Vers l’an – 705, le prophète Elisée reprit le manteau du prophète Eliyahou. Élisée a servi le peuple d’Israël en étant leur mentor et protecteur, et la Haftarah de cette semaine raconte deux des incidents miraculeux qu’il a accomplis.
La première histoire est celle de la veuve d’Ovadya et du vase d’huile qui a continué à couler jusqu’à ce qu’elle ait assez d’huile pour rembourser toutes ses dettes et gagner une vie décente.
Le second est la Shounamit qui n’a pas pu concevoir d’enfants. Après avoir été bénie par lui elle accoucha d’un fils ; l’enfant meurt en pleine jeunesse et Élisée accomplit le miracle de ressusciter la vie du garçon.
Dans les deux cas, les besoins humains fondamentaux ont été satisfaits par les individus justes dotés de la confiance dans le prophète et en la Providence divine. Selon les commentateurs, le mari de la veuve était le grand Ovadya qui avait risqué sa vie et donné de sa fortune pour protéger 100 prophètes de la purge meurtrière du couple royal Achav et Jézabel. La Shounamit et son mari étaient riches, craignant l’Eternel, avaient généreusement fourni aux fugitifs qu’ils avaient cachés tout ce dont ils avaient besoin. Les deux femmes auraient pu s’attendre à ce que leurs besoins fondamentaux en matière de revenu et de famille soient fournis à juste titre par l’Eternel.
Le thème de la paracha Vayera est l’établissement de la confiance en l’Eternel au-delà des limites de la justice rationnelle et assumée. Comme avec Sarah et Avraham, la confiance que la veuve d’Ovadya et la Shounamit avaient en l’Eternel n’était pas liée à leurs attentes humaines limitées. Ils ont fait confiance envers l’Eternel en tout ce qu’Il leur a prodigué, etc, comme Il l’entendait, sans aucune condition.
Le haftarah s’ouvre avec l’histoire qui vient d’être mentionnée, la veuve d’un prophète venant auprès Élisée pour se plaindre de la menace des créanciers de prendre ses fils comme esclaves. Elisha demande ce qu’elle a dans la maison, puis lui dit de prendre ce vase rempli d’huile, de ramasser des pots auprès de tous ses voisins, et de les remplir. Miraculeusement, l’huile ne cesse de couler jusqu’à ce qu’elle manque de pots; quand elle revient voir le prophète pour obtenir des conseils, il lui dit de vendre l’huile, de rembourser les créanciers et de vivre du reste, elle et ses enfants .
Le texte passe ensuite à la Shounamite (également non nommée), qui insiste auprès du prophète Elisha quant à accepter l’hospitalité dans leur maison chaque fois qu’il passe par leur ville. Quand il lui demande ce quelle désire pour ce geste d’hospitalité, elle dit n’avoir besoin de rien. Gehazi, serviteur d’Elisha, mentionne qu’elle est sans enfant. Elisée promet à la Shounamite qu’elle enfantera un fils
Quelques années son passées, le jeune garçon va aux champs avec son père, tombe malade et est ramené chez sa mère, il meurt. La mère retourne auprès d’Élisée, implorant son aide. Elisha envoie Gehazi avec son bâton, lui ordonnant de le placer sur le garçon pour le guérir, mais la femme insiste pour qu’il vienne lui-même. Quand il arrive, Gehazi n’a pas réussi à ranimer l’enfant, Elisée, lui, réussit et l’enfant est sain et sauf.
La façon dont nous traitons un prophète affecte la façon dont nous sommes traités
Le Midrash identifie la veuve comme étant la femme d’Obadiah, et dit qu’il a sauvé sa génération, mais le Texte ne nous dit pas comment. Puisque le Midrach commente le verset dans lequel elle se tourne vers Élisée pour obtenir de l’aide, on peut comprendre que c’est elle qui s’est tournée vers lui.
Cela suggère que l’un des défis à l’époque d’Élisée était de convaincre le peuple de traiter ce prophète de l’Eternel différemment des autres prophètes. C’est logique à la lumière du fait qu’Élisée est le disciple d’Élie. Le prophète Élie, aussi, a lutté pour convaincre inaltérablement le peuple que l’Eternel est la seule vraie divinité, comme nous le verrons dans une haftarah ultérieure (l’épisode des prêtres de Baal).
Le fait qu’Élisée ait vécu à une époque où l’on a mis au défi de comprendre la nature exceptionnelle des prophètes nous aide aussi à comprendre le lien entre les deux histoires, puisque la Shounamite se distingue en traitant Élisée avec un respect particulier. Elle n’est pas seulement une hôtesse gracieuse, elle garde dans sa maison une place permanente pour le prophète, de sorte qu’il se sente à l’aise à chacun de ses passages.
Un autre parallèle est dans l’ouverture de la récompense que chacun reçoit, les obligeant à consulter davantage le prophète quant à la façon d’en bénéficier pleinement.
Dans la première histoire, la femme d’Obadiah vient demander ce qu’elle devrait faire avec l’huile qui est sortie du conteneur, et dans la seconde, la Shunamite a besoin pour sauver son fils.
On peut donc voir la haftarah comme étant concentrée sur la valeur et la récompense éventuelle accordée à ceux qui font des efforts de reconnaître les représentants de l’Eternel. Cela offre un aperçu dans des histoires issues de la lecture de la Torah. Là, nous trouvons Abraham accueillant des invités (bien que sans égard à leur statut), il lui est annoncé la naissance dans un an du fils tant attendu : Isaac, et, enfin, Isaac, par l’injonction divine du sacrifice, échappe à la mort, il obtient un sursis, comme la Shounamite.
Deux messages sont soulignés:
Premièrement, la route pour ceux qui prennent le parti de l’Eternel et du bien peut être rocailleuse,, mais leur récompense éventuelle est assurée.
Deuxièmement, agir envers les prophètes est fonctionnellement la même chose qu’Abraham a fait pour l’Eternel.
Un bref regard sur les deux protagonistes : Elisée Abraham
Perdu dans les similitudes pourrait être quelques différences importantes. Élisée est parallèle à Abraham, en ce sens qu’il est celui qui travaille sur la prise de conscience de l’Eternel dans sa génération, mais un examen plus attentif révèle à quel point le Patriarche était extraordinaire. Abraham se connecte aux gens mieux que le prophète Élisée. Abraham, au lendemain de sa circoncision, se lève pour accueillir les invités et assume la défense de Sodome en dépit de son manque de connexion personnelle à cette ville. Lot, lui, a été sauvé par les anges.
Les versets traitent Élisée plus durement :
Il n’aide pas la veuve d’Obadiah jusqu’à ce qu’elle le supplie qu’elle est sur le point de perdre ses fils menacés d’esclavage.
Il accepte la bonté de la Shounamite, mais ne sait rien de sa vie.
Dans les deux cas, son ignorance est surprenante : Obadiah était un autre prophète, et la Shounamite avait tout fait pour bien le traiter, toutefois il ne connaît pas les informations les plus simples sur elle et son mari. Même une fois l’nefant ressuscité, nous ne voyons aucune émotion d’Élisée dans le Texte ; il a appelé la mère du garçon, lui donne l’enfant et lui dit: « Voici, prenez-le. »
La juxtaposition, intentionnelle ou non, montre les difficultés à se tenir seul face à un idéal. Tout au long de sa vie, Abraham s’est tenu d’un côté, avec le reste du monde contre lui et son monothéisme. Il est surprenant qu’il ait encore réussi à conserver son affection pour les autres, à se préoccuper de leur bien-être (comme pour le sauvetage de habitants de Sodome) et à insister pour qu’ils obtiennent le meilleur jugement possible de la part de l’Eternel.
Élisée a souffert de la même solitude, mais semble avoir fait face à sa propre manière, la construction d’un mur entre lui et ceux qui l’entourent. Il nous montre à quel point il peut être usant et solitaire de défendre les vérités rejetées par le reste du monde. Du coup nous pouvons augmenter notre admiration pour Abraham dans sa gestion des affaires humaines et de sa relation à l’Eternel.
Deux phrases célèbres: Etrangers en terre de l’Eternel
Au verset 13, quand Élisée demande ce dont la Shounamite a besoin, elle répond : «J’ai des parents et de l’influence » Rabbi Bahya Ibn Pakouda, dans les Devoirs du Cœur, (Hovot haLevavot) cite cela comme étant contraire à l’attitude que nous devrions avoir devant l’Eternel. Il explique que « sur la terre appartenant à l’Eternel nous devrions nous considérer comme des étrangers, sans influence ni liens familiaux. »
Le Talmud Rosh haShanah 16b infère une obligation «de saluer son maître» ; ici, apparaît la demande du mari pourquoi sa femme allait auprès du prophète Élisée alors que le jour n’était «ni le nouveau mois ni Shabbat…….» L’idée correspond au thème de la haftarah dans son ensemble, que les enseignants, les rabbins et les prophètes nous révèlent l’Eternel dans le monde, et nous devons donc maintenir une relation continue avec eux, les traiter différemment des autres.
En résumé, alors, les haftarot offrent un regard sur la récompense réservées aux deux femmes qui ont traité les prophètes avec le respect et la révérence qu’ils méritaient. Cela impliquait qu’une grande partie de ce qui a conduit à la position exaltée d’Abraham était son attachement ferme à représenter l’Eternel dans le monde, et à répandre la connaissance divine auprès des autres.
Rabbi Michel Liebermann