Le chabbat qui se situe entre Roch Hachanah et Yom Kippour est appelé chabbat chouvah, ou le chabbat du retour. Si ce mot vous rappelle le mot techouva, ce n’est pas une coïncidence – ils partagent une racine commune. Techouva, ou repentir, est un concept central des grandes fêtes de Tichri. Le mot signifie littéralement «retour». Les offices de chabbat chouvah sont généralement solennels et concentrés. Et la partie de la Haftarah traite des thèmes de la repentance et du pardon.
Les Juifs ashkénazes lisent Osée 14: 2-10 et Joël 2: 15-27, tandis que les Juifs séfarades lisent Osée 14: 2-10 et Michée 7: 18-20. La sélection d’Osée se concentre sur un appel universel à la repentance et à l’assurance que ceux qui reviennent à l’Eternel bénéficieront de la guérison et de la restauration divines. La sélection de Joël imagine le son du grand chofar qui unira le peuple dans le jeûne et la supplication. Osée se concentre sur le pardon divin et sa grandeur par rapport au pardon de l’homme.
Il y a des personnes qui s’attendent à ce que la religion, le judaïsme ou autres, ne donnent que des réponses, c’est pourquoi nous appelons l’acte de devenir religieux ou pratiquant la’hzor bitchouvah, pour revenir «en réponses». L’expérience religieuse apparaît à ces personnes comme un abri contre la folie de la vie, en somme ce serait une compréhension du monde qui peut aider à expliquer les moments difficiles de la vie. Ils voient la foi comme offrant au croyant le réconfort que la vie est telle qu’elle est censée être et notre travail spirituel est en fait l’acceptation, réconciliant cette idée avec la réalité de la vie.
Avec le temps, et les situations communautaires si diversifiées m’ont appris que le judaïsme est complètement opposé à ces idées.
D’Abraham et Sarah, Moïse, le prophète Isaïe, Rabbi Akiva et aux penseurs modernes comme le rabbin Abraham Joshua Heschel ou le rabbin Louis Jacobs, rabbi Léon Ashkenazi au 20e siècle, la foi d’Israël n’a jamais été d’accepter et de vivre avec cette vision. L’une des idées les plus importantes de la emouna, la foi juive est peut-être la façon dont les choses sont maintenant, toutefois elle n’est certainement PAS la façon dont les choses devraient être. Notre chemin dans la vie et le destin du monde sont des réalités que nous DEVONS et POUVONS changer. Nos textes, à travers la Torah et les appels des prophètes, ont créé une vision du monde tel qu’il devrait être, et non pas tel qu’il est factuellement. Oui c’est dans le monde « inachevé » que nous construisons notre « réalité ». C’est vrai aussi bien au niveau personnel qu’au niveau sociétal et humain. Cela signifie qu’il existe encore une version de nous-mêmes, meilleure, plus avancée, que nous n’avons pas encore atteint. Une version attestant que nos familles et notre communauté ont vraiment besoin de nous.
Les Sages du Talmud continuent à nous encourager avec comme mission la tâche de développer la vision d’un Monde de justice et de miséricorde (Din veRahamim), en donnant un nom à cette vision: Geoula, la Rédemption. Pourtant, ils n’avaient pas l’intention de nous faire oublier le monde réel et de nous faire rêver que de Rédemption, ils ont exigé que nous soyons présents dans le monde avec toutes ses fractures et ses échecs, et en même temps maintenir cette vision du comment le monde devrait être.
Cette idée est développée dans une discussion talmudique où les rabbis imaginent quelles questions nous seraient posées par la Cour Céleste après notre mort. Ravah dit dans le Traité du chabbat que ces questions sont :
1) Étiez-vous honnête dans vos affaires ?
2) Avez-vous pris du temps pour étudier la Torah ?
3) Avez-vous mis des enfants au monde ?
4) Vous attendiez-vous au salut ?
5) Avez-vous discuté avec sagesse ?
Penchons-nous sur ce qui nous intéresse :«Vous attendiez-vous au salut?» Que signifie cette question ? Comment cette question aide-t-elle à déterminer si nous avons vécu une vie digne? En fait, que signifie attendre le salut ?
L’ATTENTE ET LE REGARD : Une lecture serait que les rabbins pensaient que l’acte lui-même d’attendre la Rédemption, d’attendre que le monde soit comme il doit être, serait un acte religieux si significatif, à tel point que nous devrions être jugés si nous avons vécu avec cet espoir dans notre vie quotidienne ou non. Laissez moi vous montrer mon scepticisme quant à cette dimension passive de « consommateur – spectateur du monde ».
L’ATTENTE ET L’OBSERVATION : Une autre compréhension serait que le mot «s’attendre» signifie quelque chose de plus actif qu’une attente et un espoir passifs. En hébreu attendre, letzapot, possède la même racine et signifie observer, litzpot ( voir le mot Tsofé veYodéa, dans le Yigdal). Si tel est le cas, nous pouvons comprendre la question talmudique de la Cour Céleste comme étant : avions-nous une vision, un point de vue, du Monde comme meilleur de ce qu’il est maintenant ?
-Avons-nous eu le courage et la force d’imaginer qui pouvons-nous être dans le monde?
-Pouvons-nous identifier et traiter les caractéristiques des nôtres qui font obstacle à cette vision?
-Ou peut-être avons-nous vécu une vie de détachement, acceptant le monde tel qu’il est maintenant?
Telles sont les questions importantes auxquelles nous devrons répondre à la veille de chaque nouvelle année, et surtout à la fin de notre vie.
Le sentiment inconfortable créé par celles-ci doit être créatif et non déprimant ou choquant. Sans cette tension, nous ne nous réveillerons pas pour amener le monde vers la Rédemption. La dissonance que cette tension crée est censée nous inciter à identifier et à nous connecter au travail nécessaire pour combler le fossé entre la vision et la réalité.
Les rabbins ont demandé dans la Tosefta: « Qui est appellé tzofé (celui qui scrute), est-ce le pèlerin en route pour Jérusalem? Celui qui voit la ville et ne s’arrête pas. »
C’est peut-être une bonne métaphore de notre vie spirituelle. Ce pèlerin doit découvrir où il se trouve par rapport à l’endroit où il est censé être. Nous sommes des pèlerins, avec la mission de découvrir où nous sommes et de nous diriger vers l’endroit où nous voulons être.
Le judaïsme nous pousse à prendre conscience de l’endroit où nous sommes dans ce long voyage vers la « Jérusalem », vers notre idéal. Nous sommes mis au défi de ne jamais cesser de regarder Jérusalem sur notre chemin. Chacun pourra définir ce que représente « Jérusalem » pour lui.
Puissions-nous cette année, où de nombreuses épreuves doivent encore être affrontées, être bénis avec une année de santé, de paix et de moments stimulants et significatifs. Puissions-nous être en mesure de ressentir le sentiment (qui pour le moment nous est inconfortable) de regarder le monde tel que l’Eternel le souhaite et, en le méritant, que nous puissions faire notre part pour faire d’un monde meilleur une réalité pour nous, nos familles et l’humanité.
Chabbat chalom, Chanah Tovah et ‘hatima Tovah!
N’hésitez pas à réagir, je serais ravi de vous répondre et d’échanger avec vous
Rabbi Michel Liebermann