Les juifs célèbres sont chercheurs, journalistes, scientifiques, musiciens, présentateurs télé et animateurs radio, compositeurs, architectes, peintres, écrivains, réalisateurs, acteurs, businessmen et businesswomen, stylistes ou «shmates-ologue» (pour les ashkénazes), femmes et hommes politiques, philosophes, etc . . . mais aussi sportifs de haut-niveau, certes ils sont moins nombreux mais tout aussi extraordinaires.
Sans remonter jusqu’à Samson, synonyme de force, ou à David, stratège fabuleux, voyons ensemble quelques sportifs (européens) remarquables de la première moitié du 20ème siècle, en commençant par celui qui m’a inspiré cet article :
Harold Abrahams (1899-1978)
Pour les cinéphiles : son histoire est raconté dans l’excellent film «les chariots de feu» (1981)
Aux Jeux olympiques de 1920 à Anvers cet athlète qui représente la Grande-Bretagne est aligné sur les épreuves du 100 m, 4x 100 m et du saut en longueur, sans gagner une seule médaille, très déçu par ses résultats, ils se concentre uniquement sur les courses pour les jeux suivants.
Aux Jeux olympiques de 1924 à Paris, il remporte une médaille d’argent au relais 4 × 100 m et finit sixième du 200 m. C’est dans le 100 m qu’Abrahams surprend tout le monde en remportant la médaille d’or sur 100 m en 10 s 6, il entre ainsi dans l’histoire en devenant le premier Européen à remporter un titre olympique de sprint.
Il est aussi précurseur pour avoir été le premier athlète à engager (et payer) un entraîneur personnel, une révolution car l’époque l’interdisait en raison de l’amateurisme «sacré».
Harold Abrahams – Paris, juillet 1924
Quand on parle de sportifs et de sport, la référence reste les jeux olympiques pour la majorité des sports, mais pour d’autres disciplines les références sont autres, le football c’est la coupe du monde, le tennis et le golf : leurs tournois du grand chelem, le cyclisme sur route : le tour de France, les boxeurs les titres de champion du monde professionnel sont plus prestigieux que les titres amateurs et olympiques.
Restons sur Les Jeux olympiques, aussi appelés Jeux olympiques modernes, puisqu’ils prolongent la tradition des jeux olympiques de la Grèce antique.
Les premiers Jeux olympiques modernes se déroulent en 1896 à Athènes et le premier champion olympique de natation était un juif hongrois :
Alfred Hajos-Guttmann (1878-1955) a gagné non pas une mais deux médailles d’or à Athènes : les 100m et 1200m, les épreuves se déroulaient dans la mer Méditerranée, faisant de lui le premier champion olympique de natation. Le sport était un engagement physique et émotionnel pour Hajos-Guttmann, qui a appris la natation à 13 ans après que son père se soit noyé dans le Danube. Il a ensuite changé son nom d’Arnold Guttmann en Alfred Hajos, qui signifie «marin» en hongrois. Hajos-Guttmann n’était pas seulement un nageur, il a également remporté des titres nationaux en athlétisme 100m et 400m haies et en lancer du disque, de plus, il a participé aux championnats de Hongrie de football en 1901, 1902 et 1903 au Budapest Torna Club et il a joué le tout premier match international de l’équipe nationale de football de Hongrie.,. Il a également été entraîneur de l’équipe nationale de football hongroise.
Et quand il est revenu à participer aux Jeux Olympiques de nouveau en 1924 (soit 28 années après ses deux médailles d’or), il a remporté une médaille en…architecture! Car pour mémoire, aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, entre 1912 et 1948, les Jeux olympiques incluaient un « concours artistique » et Hajos-Guttmann a remporté la médaille d’argent (il n’y pas eu de médaille d’or décernée dans cette discipline), ce qui constituait le plus grand honneur à cette époque.
Alfred Hajos-Guttmann – Athènes 1896
Conception du stade par Alfred Hajos-Guttmann, médaille d’argent d’architecture en 1924
Hajos-Gutmann était hongrois, ce pays est majoritairement représenté dans cet article, voici (par ordre chronologique) les sportifs en question, dont beaucoup d’entre eux ont connu une fin tragique :
Jenö Fuchs (1882-1955) a remporté quatre médailles d’or aux Jeux Olympiques. Considéré comme le meilleur sabreur du début du XXe siècle, il aurait pu ne jamais pratiquer l’escrime car il était juif. En effet, à la fin du XIXe siècle, en Hongrie, les juifs n’avaient pas le droit de porter une arme. De ce fait, Jenö Fuchs ne put ni s’inscrire dans un club d’escrime ni participer à une compétition officielle. Quand cette interdiction fut levée, il participa aux Jeux Olympiques de Londres de 1908, et il remporta la médaille d’or dans les épreuves de sabre individuelle et par équipes. Quatre ans plus tard, aux Jeux Olympiques de Stockholm, il réédita cet exploit.
Jenö Fuchs
Oszkár Gerde (1883-1944) était un escrimeur au sabre hongrois qui a remporté deux médailles d’or par équipe aux Jeux olympiques de 1908 et 1912. Après avoir terminé sa carrière active, il a jugé des compétitions internationales d’escrime et a travaillé comme médecin. Étant juif, il a été déporté et tué en 1944 au camp de concentration de Mauthausen-Gusen en Autriche.
Oszkár Gerde
János Garay (1889-1945) était un escrimeur hongrois, et l’un des meilleurs sabres du monde dans les années 1920. Il a remporté la médaille d’argent pour le sabre par équipe aux Jeux olympiques de Paris de 1924, et la médaille d’or au sabre par équipe aux Jeux d’ Amsterdam de 1928, Comme Gerde, il a été déporté et tué à Mauthausen-Gusen.
János Garay
Attila Petschauer (1904-1943) était un escrimeur pratiquant le sabre, aux Jeux d’ Amsterdam de 1928 il remporte la médaille d’or par équipe et d’argent en individuel, aux jeux de Los Angeles, en 1932, il est de nouveau médaillé d’or par équipe. Envoyé en 1943 dans un camp de travail forcé en Ukraine, dans la ville de Davydovka, il y meurt torturé ignoblement.
Attila Petschauer
Károly Kárpáti (1906-1996) était un lutteur hongrois, il fut médaille d’argent aux jeux de 1932 à Los Angeles, et médaille d’or aux jeux nazis de Berlin en 1936. Il fut, lui aussi, déporté à Davydovka, il assista à l’agonie d’Attila Petschauer qu’il raconta comme suit : « Les gardes lui ont dit : « Toi, le médaillé olympique… regarde cet arbre où tu vas mourir ». C’était encore l’hiver et la température était basse, mais il fut déshabillé et suspendu à un arbre. Les gardes s’amusèrent à le tabasser, et l’aspergèrent d’eau. La glace se forma sur son corps… Il est mort peu après. »
Karpati réussi à s’évader, il restera cacher dans les bois de Banki et à Pest avec sa famille et ses amis jusqu’à la fin de la guerre. Il est décédé en 1996 à l’âge de 90 ans.
Károly Kárpáti
Endre Kabos (1906-1944) était un escrimeur au sabre, Il a concouru aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1932 (médailles d’or en équipe et bronze en individuel) et à Berlin en 1936 (médailles d’or en équipe et individuel). Il existe plusieurs récits sur le sort de Kabos après l’occupation de la Hongrie par l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, mais chacun se termine par le même résultat. Kabos a été envoyé dans un camp de travaux forcés où il y resté pendant au moins trois mois. Avec l’aide d’un garde compatissant, il s’est échappé et a rejoint la clandestinité hongroise. Selon un rapport, le champion olympique de sabre a perdu la vie en défendant le pont Margit qui sépare les villes de Buda et Pest. Un autre récit affirme qu’il a été tué lorsqu’un camion de munitions qu’il conduisait a explosé alors qu’il tentait de traverser le pont, plongeant le camion dans le Danube.
Endre Kabos
Des sportifs d’autres nationalités sont bien sur présent dans ce «panthéon» de sportifs juifs :
Comme Elias Katz, né en 1901 à Turku et décédé le 24 décembre 1947 à Gaza, tué par deux terroristes arabes, était un athlète finlandais spécialiste du 3 000 steeple dont il remporta deux médailles aux jeux de Paris en 1924 : or par équipe et argent en individuel.
Elias Katz avec le maillot du Maccabi
Les deux cousins allemands : Gustav et Alfred Flatow, tous deux gymnastes. Gustav est né en 1875 remporte deux médailles d’or par équipe, aux barres parallèles et à la barre fixe, son cousin Alfred, né en 1869 faisait également parti de l’équipe mais lui remporte deux autres médailles en individuel : l’or aux barres parallèles et l’argent à la barre fixe, avec ses quatre médailles il est l’un des sportifs les plus médaillés des premiers jeux olympiques d’Athènes de 1896. Ces deux cousins, athlètes de très haut niveau, unis par leurs liens familiaux, leur sport, mais aussi par leurs fins tragiques. Ils sont tous les deux mort en déportation, Alfred le 28 décembre 1942 (à 73 ans) et Gustav le 29 janvier 1945 (à 70 ans) dans le même camp de concentration de Theresienstadt (Tchéquie).
Alfred et Gustav Flatow
Deux autres sportifs français ont connu des destins tragiques liés à la Shoah,
Young Perez, de son vrai nom Messaoud Hai Victor Perez, né le 18 octobre 1911 à Tunis est un boxeur tunisien. Il détient toujours le titre de plus jeune champion du monde, 4 jours avant son 20ème anniversaire, dans sa catégorie poids mouches, il a aussi été champion de France. En 1943 il est déporté, la vie du jeune champion s’est terminée pendant la marche de la mort d’Auschwitz, en janvier 1945, à l’âge de 33 ans.
Victor “Young” Perez
Alfred Nakache, né le 18 novembre 1915 à Constantine (Algérie), était un nageur et joueur de water-polo. Surnommé « Artem » (le poisson en hébreu), il est aussi connu sous le surnom de « nageur d’Auschwitz ».
Multiple champion de France (21 titres), multiple recordman du monde, d’Europe ou de France, il est déporté à Auschwitz en 1944, avec sa femme Paule et leur fille de deux ans Annie, qui seront gazées dès leur arrivée dans le camp. En janvier 1945, le camp est évacué dans le cadre des marches de la mort, sous la menace de l’avancée de l’Armée rouge. Alfred Nakache participe à l’une d’elles, au cours de laquelle les survivants des camps d’extermination sont menés dans des camps d’internement. Il se retrouve ainsi à Buchenwald, que l’armée américaine libère en avril 1945.
Alfred participera de nouveau aux jeux de Londres en 1948, dans les épreuves du 200m brasse et de water-polo. Il s’éteindra le 4 août 1983 à Cerbère (Pyrénées-Orientales).
Alfred Nakache
Il n’y a pas de femmes dans cette première énumération de champions, l’époque était misogyne, le sport, surtout de haut niveau était réservé aux hommes, la pudibonderie également empêchait les femmes de se vêtir sportivement, et chez les juifs européens, les valeurs religieuses ne permettaient pas aux femmes de faire du sport dans la plus part des pays. Pierre de Coubertin, créateur des jeux olympiques modernes y était fortement opposé, ce n’est pas le seul de ses nombreux défauts, c’était un raciste complètement assumé et un grand admirateur d’hitler et du nazisme ! En outre malgré ce que nous raconte les livres d’histoire, ce n’est pas lui qui a écrit et prononcé la fameuse phrase «l’important aux jeux olympiques n’est pas de gagner mais de participer» devenu le crédo olympique mais de Mgr Ethelbert Talbot, évèque de Pennsylvanie, lors d’un prêche en la cathédrale Saint-Paul pendant les jeux de Londres le 19 juillet 1908.
Les femmes purent donc participer aux 2ème jeux, en tout petit nombre, seulement 2% des athlètes pour seulement 5 épreuves (les jeux en comptait 95 en 1900), en 1928 il y aura 10% de sportives.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons très peu de femmes dans cet article consacré aux sportifs et sportives de la première moitié du 20ème siècle.
l’une d’entre elle est Lilli Margarethe Rahel Henoch (1899-1942)
C’est une athlète extraordinaire : elle gagne dix titres de championne d’Allemagne entre 1922 et 1926 dans 4 disciplines différentes, lancer de poids, lancer de disque, saut en longueur et relais 4 x 100 m et elle établera des records du monde de lancer de poids et lancer de disque !
En septembre 1942, elle est déportée dans le ghetto de Riga en Lettonie où elle sera assassinée par les Einsatzgruppen dans une forêt environnante, son corps (et ceux des autres juifs assassinés) enterrés dans une fosse commune.
Lilli Henoch
Une autre athlète Allemande Margaret Bergmann connue comme Gretel Bergmann, née en 1914 à Laupheim et décédée en 2017 (à 103 ans) aux USA. Bien que détentrice du record d’Allemagne de saut en hauteur, elle ne put pas participer aux jeux de berlin en 1936, interdits aux juifs allemands par le régime nazi. Fort heureusement elle a émigré aux USA en 1937.
Margaret “Gretel” Bergmann
Judith Deutsch (1918-2004) était une championne de natation qui détenait tous les records de nage libre autrichiens de moyenne et longue distance en 1935. Elle a refusé de participer aux Jeux de Berlin pour protester contre hitler , déclarant: “Je refuse de participer à une compétition dans un pays qui persécute si honteusement mon peuple.” Cela a irrité les autorités sportives autrichiennes qui l’ont interdite de compétition. Deutsch a émigré à son tour en Palestine , où elle est devenue la championne nationale israélienne. Après son départ d’Autriche, les autorités sportives l’ont dépouillée de ses titres et ont radié son nom du livre des records.
En 1995 (60 ans après . . .), le parlement autrichien s’est excusé auprès de Deutsch et a annulé les sanctions qui lui avaient été imposées. À l’âge de 86 ans, Judith Deutsch est décédée à Herzliya, en Israël.
Judith Deutsch
Fanny Rosenfeld née en 1904 à Dnipropetrovsk (Russie impériale) et décédée en 1969 à Toronto, Canada où elle avait immigré enfant, est une athlète canadienne spécialiste du 100 mètres dont elle remporte deux médailles aux jeux olympiques d’Amsterdam en 1928 (or en relais et argent en individuelle).
Fanny “Bobbie” Rosenfeld
Aux Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam la médaille d’or du concours général par équipes féminin de gymnastique artistique est gagnée par l’équipe néerlandaise.
Cinq gymnastes (sur douze) de cette équipe ainsi que l’entraîneur sont juifs :
Judikje Simons, née en 1904 est tuée avec son mari et ses deux enfants au camp d’extermination de Sobibor en mars 1943
Helena Nordheim, née le 1ᵉʳ août 1903 à Amsterdam et morte le 2 juillet 1943 également à Sobibor.
Anna Polak, née le 24 novembre 1906 à Amsterdam (Pays-Bas) et morte le 23 juillet 1943 à Sobibor, elle aussi.
Estella Agsteribbe, née le 6 avril 1909 à Amsterdam et morte le 17 septembre 1943 à Auschwitz.
Le 2 juillet 1943, (l’entraîneur de l’équipe) Gerrit Kleerekoper, avec sa femme Kaatje et leur fille de quatorze ans Elisabeth, ont été assassinés par les nazis au camp d’extermination de Sobibór en Pologne. Leur fils de 21 ans, Leendert, est mort d’épuisement à Auschwitz en juillet 1944.
Elka de Levie, née le 21 novembre 1905 à Amsterdam (Pays-Bas) et morte le 29 décembre 1979 dans la même ville. Elle est la seule juive de l’équipe à avoir survécu à l’Occupation nazie.
Cette liste, non exhaustive, ne concerne que les européens, il y avait, bien évidement de nombreux sportifs sur d’autres continents, notamment en Amérique. L’article aurait été bien trop long, avec plus de 10 champions du monde de boxe, des basketteurs, joueurs de baseball ou football américain et d’autres disciplines.
En dehors de l’Amérique, le sionisme a joué un rôle central dans la fusion des sports avec le judaïsme. Au congrès sioniste de 1898, le bras droit de Théodore Herzl, l’écrivain populaire Max Nordau, exprimait le désir sioniste de créer une «communauté juive musclée». Par la suite, des Juifs de toute l’Europe ont créé des clubs sportifs qui remplissaient une double fonction – renforcer l’identité collective des Juifs européens en tant que minorité, tout en offrant un moyen d’intégration dans la société dominante. Un certain nombre de clubs sportifs européens associés à des groupes de jeunes sionistes ont ensuite été transplantés en Israël, où ils ont formé les premières équipes dans les ligues sportives professionnelles.
Le Maccabi World Union a été créée lors du 12e congrès juif mondial à Karlovy Vary en Tchécoslovaquie en 1921. Il a alors été décidé par le secrétariat des dirigeants sportifs juifs de former une organisation regroupant toutes les associations sportives juives. Ses objectifs ont été définis afin de «favoriser l’éducation physique, la croyance en l’héritage juif et la nation juive, et travailler activement pour la reconstruction de notre propre pays et pour la préservation de notre peuple». En 1960, le Comité International Olympique a officiellement reconnu le Maccabi comme une “Organisation de Statut Olympique”. Aujourd’hui elle couvre les cinq continents et plus de 50 pays, avec quelque 400 000 membres.
Laurent Hajdenberg – ULIF Marseille – novembre 2020