Le rabbin Even Israël, rav Adin Steinsalz est mort.
Témoignage du Rabbin Yann Boissière :
“J’avais eu le privilège d’étudier au près de lui lors de ma dernière année d’études rabbiniques (2010-2011), à Jérusalem, à l’Institut Steinsalz. En dehors de son savoir encyclopédique et de la saveur unique de son enseignement, je n’oublierai jamais la manière dont il s’est adressé à notre petite promotion de futurs rabbins libéraux, à la fin de notre cursus, pour livrer ses ultimes recommandations (saluons, au passage, sa totale liberté de pensée – alors qu’il fut l’objet d’intenses pressions de la part du milieu ultra-orthodoxe pour qu’il renonce à accueillir au sein de son Institut des élèves issus de séminaires libéraux, il les ignorait superbement, voué à l’idée que la Torah s’enseigne à qui veut l’entendre, point). A nous, donc, qui l’interrogions, lorsque nous serions de retour dans nos pays respectifs, sur la manière de gérer les difficiles relations entre sensibilités et institutions orthodoxe ou libérale, le Rav Steinsalz nous répondit que c’était là une question spécieuse, totalement sans intérêt. « Fichez-vous de tout cela, répondit-il, ne vous préoccupez que d’une seule chose : Be a significant rabbi ! ».
Que son âme soit enchâssée dans le faisceau de la vie et des vivants.”
Témoignage du Rabbin Philippe Haddad :
Hommage d’un disciple à un maître.
L’une des figures marquantes du judaïsme vient de s’éteindre, le rav Adin Steinsaltz que Josy Eisenberg avait invité plusieurs fois dans son émission. On se souvient de son visage de patriarche, de ses yeux pétillants, de sa culture incroyable et de son intelligence aiguisée.
Josy m’avait dit avant un tournage : “moi je suis intelligent, mais Adin est un génie” . Adin Steinzaltz n’est pas une perte pour le monde orthodoxe, mais pour le peuple juif. Sa grandeur est d’avoir mis à la portée des plus simples, des plus ignorants, le Talmud traduit de l’araméen en hébreu moderne, avec des références dans tous les domaines des sciences et de l’art, chaque fois qu’il fallait éclairer un sujet. La bibliothèque d’un rabbin, du plus orthopraxe au plus moderne, porte sa collection ou du moins plusieurs ouvrages. Je voudrais rappeler que son œuvre fut critiquée au début par des détracteurs trop zélés qui ne voyaient pas d’un bon oeil ce travail de vulgarisation. En son temps, des rabbins accusèrent le Guide de égarés de Maïmonide auprès de l’inquisition, et des centaines d’ouvrages furent brulés.
Cela nous attriste, mais cela nous encourage aussi. Car le fanatisme, l’extrémisme (en religion ou en politique) soulignent toujours où souffle le vent de la liberté. Les critiques que reçoivent les expressions modernes du judaïsme nous attristent car l’unité du âm Israël devrait prévaloir sur ses différences. Mais cela nous encourage, car nous portons ce vent de liberté, d’ouverture, d’accueil qui traduit le véritable message d’Israël. Adieu Rav Steinsaltz. Nous savons que vous n’êtes pas mort, car “les justes sont appelés vivants même après leur mort” .
ULIF Marseille Laurent Hajdenberg – août 2020