La Haftara du premier jour de Souccot est issue des derniers versets du livre de Zacharie. Le premier jour de Souccot est ordonnée dans [le Talmud], la Méguila 31a, bien que la lecture puisse s’être étendue jusqu’à présent au verset 19. La coutume actuelle est de conclure la Haftarah avec le verset 21 (mentionnant les vases sacrés et la fin des trafiquants étrangers dans le Temple).
Rachi commente que cette lecture a été choisie parce qu ‘«elle est écrite« pour célébrer la fête de Soukkot »» (versets 18-19) – les Israélites et toutes les nations. Le prophète envisage ainsi un pèlerinage universel à Jérusalem. C’est une conséquence pratique de sa prophétie d’un monothéisme universel. «Et l’Éternel sera roi sur toute la terre; en ce jour-là, il y aura un seul Seigneur avec un seul nom »(verset 9).
La Haftarah montre une ancienne relation entre la fête de Souccot et les rituels de la pluie. La déclaration «Aucune des communautés de la terre qui ne fait pas le pèlerinage à Jérusalem pour s’incliner devant le roi, l’Éternel des armées, ne recevra aucune pluie» (verset 17) est catégorique – à l’exception de l’Égypte (un pays qui ne dépend pas des précipitations), en lui promettant un fléau approprié. Les rituels de pluie associés aux libations d’eau et aux quatre espèces réunis en loulav à Soukkot (Lévitique 23:40) sont mentionnés séparément dans des sources rabbiniques anciennes telles que Tosefta Sukkot 3:18 et Talmud, Ta’anit 2b, respectivement. Rachi les a combinées dans son commentaire sur Zech. 14H17.
Certains de ces rituels peuvent provenir des premiers temps bibliques, mais ce n’est qu’au cours du Second Temple qu’ils semblent avoir été intégrés dans un service multi–niveau de célébration et de supplication. Les espoirs étaient intenses, car jusqu’à ce que les pluies arrivent, les moyens de subsistance de la communauté étaient préservés. «Lors de la fête [de Souccot, le peuple] est jugé en ce qui concerne l’eau» (Michna, Roch Hachana 1: 2). L’inquiétude de cette époque s’exprime de manière poignante dans une pratique selon laquelle le peuple espérait deviner, dans les dernières traces du rituel du festival, un signe de son destin physique. Dans une tradition rapportée par R. Isaac b. Abdimi: Dans la nuit qui a suivi le dernier jour de la fête [de Soukkot], tous [le peuple] contemplait la fumée qui s’élevait du tas de bois [sur l’autel]. S’ils inclinaient vers le nord, les pauvres se réjouissaient et les gens de moyens étaient tristes, car les pluies de l’année à venir seraient abondantes et leurs fruits pourriraient [et ils seraient vendus rapidement et à bon marché]. Si elle incline vers le sud, les pauvres sont déprimés et les hommes de moyens se réjouissent, car il ne pleuvra que très peu cette année-là et le fruit pourra être conservé. Si elle s’inclinait vers l’est, tous se réjouissaient [car il y aurait une pluie moyenne bénéfique pour tous]; [et] si vers l’ouest, tous étaient déprimés [parce que les graines sècheraient, causant la famine]. (Talmud, Yoma 21b) Les graines de la bénédiction divine grandissent ainsi dans le monde naturel. La Haftarah attire l’attention sur ce fait et redirige le lecteur vers les composants physiques et spirituels de la vie. En tant qu’êtres naturels, nous mangeons, marchons et travaillons sur la terre, mais ce caractère naturel peut être transformé par un chemin de piété centré sur la maison du Seigneur. Dans cette perspective, le pèlerinage peut être autant un mouvement intérieur de l’âme qu’un acte extérieur du corps. La royauté divine dont Zacharie a rêvé commence alors par une transformation du cœur.
Ce texte évoque les temps qui précèdent l’avènement de l’ère messianique, et notamment les derniers combats menés par les représentants des 70 nations du monde (« Gog Oumagog ») contre Jérusalem. Outre la thématique de la rédemption finale qui correspond à la fête de Souccot, le choix de cette Haftara tient probablement également au rappel du caractère obligatoire de cette fête pour l’ensemble des nations du monde. Celles-ci devront venir à Jérusalem apporter des offrandes à l’Eternel. Il s’agit donc d’une fête mondiale de reconnaissance de la toute-puissance divine. Rappelons qu’à l’époque du Temple, les nations du monde étaient également invitées à se rendre à Jérusalem pour apporter des offrandes à l’Eternel. C’est ainsi que 70 taureaux était sacrifiés au Temple à Souccot en signe d’expiation des fautes commises par les 70 nations, et en signe de remerciement pour les pluies favorables qui permettent la vie sur Terre.
Nos rabbis nous disent ainsi que si les nations du monde avaient mesuré la protection que leur apportait le Temple, elles l’auraient défendu et protégé ardemment au lieu de le détruire !
A travers cette Haftara, nous rappelons que le terme de l’histoire humaine doit coïncider avec la reconnaissance par l’ensemble des nations de la royauté et de la toute-puissance divine. La fête de Souccot vient précisément nous rappeler cette vérité fondamentale en nous invitant à résider durant sept jours dans une résidence fragile et précaire. Loin du confort illusoire que nous apportent les biens matériels durant l’année, Souccot nous rappelle que la seule protection qui compte est celle offerte par l’Eternel. Ceux parmi les nations du monde qui refusent de le reconnaître pervertissent ainsi l’ordre de la Création et la marche de l’histoire. Puissions-nous avoir le mérite de voir rapidement arriver ce jour mentionné par le prophète où «l’Eternel sera Un et Son Nom sera Un » reconnu par l’ensemble de l’humanité.
La Haftara lue le deuxième jour de Souccot est issue du premier livre des Rois. Elle nous décrit les cérémonies d’inauguration du premier Temple à l’époque de Salomon. Le choix de cette Haftara nous est expliqué simplement par Rachi dans le traité Méguila (31a), car « l’inauguration du Temple a eu lieu lors de la fête de Souccot ». Lorsque les Bné Israël étaient dans le désert, des nuées protectrices miraculeuses (« Anané Kavod ») entouraient le peuple et leur servaient de protection contre les différents dangers qui pouvaient le menacer. Ces nuées prenaient la forme de cabanes, de Souccot précisément. Le Temple dont la Haftara nous décrit l’inauguration avait vocation également à apporter une protection divine au peuple d’Israël et à l’ensemble des nations. Et de même que les nuées protégèrent le peuple dans le désert, de même qu’elles entourèrent le « Ohel Moed » (Tente d’assignation), de même elles apparurent dans le Temple : « Et la nuée emplit la Maison de l’Eternel » (Rois 8, 10). La fête de Souccot vient précisément nous rappeler cette protection fondamentale de D.ieu qui entoure le peuple juif et qui l’accompagne tout au long de l’histoire. Même si les conditions de vie matérielles ne sont plus celles qui prévalurent dans le désert, il n’en demeure pas moins que notre vie dépend exclusivement de la bienveillance divine et de la protection qu’Il nous accorde.
Haftara de Chabbath ‘Hol ‘Hamoed Souccot : Cette Haftara est issue de livre d’Ezéchiel et nous permet d’approfondir les notions étudiées lors du premier jour de la fête autour de la bataille ultime qui sera menée par l’Eternel contre « Gog Oumagog ». Selon Maïmonide, cette guerre se tiendra juste avant l’avènement de l’ère messianique. Auparavant, un prophète identifié à Eliahou aura contribué à ramener les cœurs de l’ensemble des Bné Israël à l’Eternel. Nos rabbis nous donnent plusieurs explications sur la signification de Gog Oumagog. Ce terme représente les nations opposées à Israël et qui refusent de reconnaître l’Eternel. A ce titre, elles incarnent les résistances sur Terre à l’avènement du Machia’h. Nos Maîtres nous font remarquer ainsi que la valeur numérique de Gog Oumagog correspond précisément à 70, à l’image du nombre des nations du monde à l’exception d’Israël.
La fête de Souccot, comme nous l’avons vu, était censée leur permettre d’exprimer leur reconnaissance à Hachem en amenant des sacrifices au Temple. Mais la guerre de Gog Oumagog se caractérise précisément par leur refus de reconnaître une quelconque dette vis-à-vis de l’Eternel. Les nations proclameront au contraire leur indépendance, leur refus de se soumettre à une autorité autre que la leur. Elles sont ainsi les héritières des peuples qui bâtirent la tour de Babel et qui, ivres de leur supposé pouvoir, pensèrent pouvoir défier l’Eternel.
Le Rabbin Samson Raphaël Hirsh nous fait remarquer que le mot Gog est proche du terme « Gag », qui désigne le toit d’une maison. Tout se passe finalement comme si Gog et son idéologie (« Magog ») voulait se convaincre que le seul toit sous lequel ils acceptent de s’abriter est celui de leur force, de leur pouvoir, indépendamment de la protection divine. Le peuple juif, en tant que représentant de la fidélité à l’Eternel, a une « force » qui dépasse radicalement l’homme, et à ce titre, elle est un obstacle à l’avènement de l’idéologie de Gog et doit être combattue. C’est précisément dans cette reconnaissance de la toute-puissance divine, de la limite de l’homme, et de sa nécessaire soumission à l’Eternel que se jouent les clés de la rédemption finale. L’ultime bataille de l’humanité se jouera précisément autour de cet enjeu. Or, la fête de Souccot est précisément le témoignage vivant de cette confiance du peuple d’Israël dans la protection divine et la proclamation de la vanité des protections humaines. Nous comprenons donc à quel point cette fête est insupportable aux yeux des tenants de l’idéologie de Gog Oumagog… A cet égard, le modeste feuillage qui nous tient lieu de toit durant les sept jours de la fête de Souccot est l’arme la plus efficace contre les ennemis du peuple d’Israël, et le plus beau témoignage de notre reconnaissance envers Dieu !
Haftarah hol hamoéd souccot Ézéchiel 38:18-39:16.
Le sujet de la haftarah de ce Shabbat en pleine fête de souccot, décrit la guerre de Gog roi de Magog qui précédera la Rédemption Finale. Son lien avec la fête de Succot est que selon la tradition, la guerre aura lieu pendant le mois de Tichri, le mois où la fête de Succot tombe. En outre, cette guerre est identique à celle décrite dans le quatorzième chapitre de Zacharie, la haftarah lue le premier jour de Souccot, qui conclut en disant que les survivants gentils de cette guerre seront tenus d’aller à Jérusalem chaque année pendant les festivités de Souccot pour rendre hommage à l’Eternel. Le prophète décrit la guerre de Gog contre Israel et la réponse furieuse de l’Eternel. L’Eternel enverra un tremblement de terre, de la pestilence, de grandes inondations, des grêlons et des incendies, détruisant totalement les armées de Gog.
«Et je me révélerai dans Ma grandeur et dans Ma sainteté et je serai reconnu aux yeux de nombreuses nations, et ils sauront que je suis le Seigneur… Je ferai connaître Mon Saint Nom au milieu de Mon peuple Israël, et je ne ferai plus profaner Mon Saint Nom, et les nations sauront que moi, le Seigneur, je suis saint en Israel. »
La haftarah conclut en disant que l’armement des armées vaincues de Gog fournira du carburant pour le feu pendant sept ans! Les Juifs «ne porteront pas de bois des champs ni n’en couperont aucun des forêts, car ils feront des feux à partir des armes».
Gog et Magog sont deux noms propres figurant dans le livre d’Ezéchiel, chap. 38 et 39 : « La parole de l’Éternel me fut adressée, en ces mots : Fils de l’homme, tourne ta face vers Gog, au pays de Magog » (38:1-2), « Voici, j’en veux à toi, Gog, prince de Rosch, de Méschec et de Tubal ! Je t’entraînerai, et je mettrai une boucle à tes mâchoires » (38:3), « J’enverrai le feu dans Magog » (39:6), « Je donnerai à Gog un lieu qui lui servira de sépulcre en Israël » (39:11). Gog est un nom de personne, Magog un nom de lieu. Le texte est énigmatique, mais les noms semblent liés à une bataille contre les Juifs qui annoncera la venue du Messie.
Rabbi Michel Liebermann