Méditation sur la Haggada de Pessa’h
La Haggadah
Le nom ” Haggadah” tire son origine de la Torah qui demande aux parents de ” raconter ” à leurs enfants la sortie d’Egypte (Ex 13, 8). Dire à la nouvelle génération, dans ses mots et ses problématiques, la mémoire des anciens. Génération MATSA, génération GAFA. Ce qui constitue un véritable défi ! Ce petit recueil populaire, souvent enluminé ou illustré, a toujours été un ferment familial permettant de revivre, à travers le Seder, la naissance de notre peuple. Car en célébrant Pessa’h, nous célébrons notre anniversaire collectif. En effet, tout a commencé pour nous – et d’une certaine manière pour les monothéismes qui ont suivi – par cette nuit de la libération. Selon notre Tradition, même une personne isolée devrait consacrer la soirée pascale à la lecture de la Haggada, et surtout à sa méditation. Ce soir, nous ne soufflerons pas sur des bougies, mais nous tenterons de porter la flamme d’une génération à l’autre, au cœur de nos foyers, lieu majeur de notre mémoire.
Sanctuarisation du foyer
Car par le premier Seder d’Egypte, le foyer a été consacré au culte de Dieu (Exode 12, 27), alors que le tabernacle ne fut dressé qu’un an plus tard, selon le récit biblique. Home, sweet home fut déjà chanté avant le Cantique de la mer ou la révélation du Sinaï. Sans temple, le judaïsme s’est perpétué. De facto, Maïmonide a eu raison, le culte sacrificiel ne fut qu’une propédeutique pour passer au culte liturgique. A la maison, les parents deviennent les prêtres de la transmission, et les enfants les cueilleurs d’identité. Il suffit de leur chanter ” nous étions esclaves du pharaon, mais le Saint, béni soit-Il, nous a délivrés avec Sa main puissante et Son bras étendu ” afin que le garçon et la fille se reconnaissent maillons de la chaîne. A nous de savoir cultiver en eux ce désir de transmettre à leur tour.
La pédagogie du Seder
La sagesse de nos maîtres s’est exprimée dans ce rituel bien ordonné, ” sederisé “, tout en maintenant l’aspect ludique et dynamique de la question / réponse. Se mettre au niveau des enfants, et il faudrait ajouter au niveau des ” quatre enfants “, c.à.d. ces quatre manières d’être dans l’interrogation de notre identité, à réadapter à notre modernité.
” Le sage, serait celui qui suit régulièrement des cours de Torah, à la synagogue ou sur Internet. Il sait ; mais il sait surtout qu’il ne sait pas, alors il veut comprendre le fondement des rites et de la foi d’Israël.
” Le méchant d’hier, est surtout l’ignorant d’aujourd’hui, qui ne comprend pas en quoi cette histoire le concerne.
” Le simple, l’ami d’une amie d’un ami, invité pour le Seder, et qui s’étonne de ce rituel d’un autre temps.
” Et il existe même celui qui ne semble pas trop touché par le sujet, trop accro à son PC ou son Mac.
Peut-être ces quatre enfants, ces quatre identités, débattent en nous-mêmes, parfois intéressés, parfois blasés, parfois étonnés, parfois muets. Acceptons-les en nous, pacifions-les, pour que chacun assume sa part de libération, comme acteur d’un judaïsme vivant, ” bâtisseur ” de demain. Ou selon nos maîtres : ” Ne lis pas banim (enfants), mais lis bonim (bâtisseurs) ” (TB Bérakhoth 63 b).
Chabbat chalom et ‘Hag samea’h
Rabbin Philippe Haddad