Chemini Atseret et Simhat Torah Les deux fêtes ont lieu le même jour en Israël, mais en Diaspora elles sont l’une après l’autre : Chemini Atseret, le “8ème jour de Souccot” ; on enchaîne alors avec Simhat Torah (la joie de la Torah).
Chemini ‘Atseret
Le septième jour de Souccot, c’est Hosha’na rabba. Le lendemain (22 Tishri), le peuple juif célèbre la fête de Chemini ‘Atseret. En Israël, elle coïncide avec Simhat Torah, tandis qu’en diaspora cette dernière est repoussée au 23 Tishri. A la fin du septième jour, Souccot est finie, et il est conseillé de rentrer une dernière fois dans la soucca. On y dit la bénédiction finale ainsi qu’une courte prière demandant de mériter l’an prochain d’habiter la soucca des temps messianiques. Et l’usage est de terminer par le chant la-shana ha-baa biroushalaïm, « L’an prochain à Jérusalem. »
1. Noms de la fête
La Torah donne le commandement de cette fête, en même temps que celui de la fête de Soukkot : Lv 23, 36 : « Pendant sept jours vous offrirez un mets consumé au Seigneur. Le huitième (shemini) jour il y aura pour vous une convocation sainte, vous offrirez un mets consumé au Seigneur. C’est la clôture (‘atseret) de la fête, vous ne ferez aucune œuvre servile » (cf. aussi Nb 29,35). Nous retrouvons dans ce verset l’appellation typique des jours de fête qu’est « convocation sainte » (miqra’ qodesh). Chemini ‘Atseret (« la clôture du huitième ») est une fête chômée. On trouve aussi dans la tradition juive deux autres dénominations pour ce jour : Yom ha-chemini (« 8ième jour ») et Hag ha-‘atseret (« fête de clôture »). L’appellation actuelle est en fait une synthèse des deux précédentes.
Notons que le mot « clôture » est utilisé pour d’autres fêtes : en Deutéronome 16,8, le terme ‘atseret est utilisé pour désigner le dernier jour de Pessah, et surtout la littérature rabbinique présente la fête de Chavouot comme l’Atseret de Pessah.
2. Achèvement de Souccot ou fête à part entière ?
Le nom de cette fête semble en faire une conclusion de Souccot. Et pourtant, c’est déjà le cas le jour de Hocha’na rabba ! Le septième jour de Souccot est appelé Hocha’ana Rabba. Ce jour-là, on abonde en étude de la Torah et en supplications. Il est dit dans le Midrach : « Hachem a dit à Avraham Avinou : Je suis unique dans Mon monde et tu es unique dans ton monde. Dans le futur, Je donnerai à tes enfants un jour spécial afin de réparer leurs fautes, c’est Hocha’ana Rabba. Si les fautes de tes enfants n’ont pas été réparées pendant Roch Hachana, elles le seront à Yom Kippour. Et sinon, elles le seront à Hocha’ana Rabba ». A chemini ‘Atseret, les commandements de Souccot ne sont plus de rigueur, que ce soit la soucca ou les arba’ minim. Par ailleurs, le premier soir de Chemini ‘Atseret, la liturgie prévoit l’allumage des bougies, la récitation d’un qidush suivi de la bénédiction che-heheyanou (« Béni sois-tu Seigneur notre Dieu, roi de l’univers, qui nous a maintenus en vie, nous a soutenu et nous a permis d’atteindre ce jour. ») Or cette bénédiction ne peut être dite qu’à l’ouverture d’un nouveau jour de fête. C’est donc bien un jour de fête à part entière, et en même temps, c’est l’achèvement de Souccot.
3. Le particularisme de l’élection d’Israël
A l’époque du Temple, l’offrande sacrificielle pour Chemini ‘Atseret était très modeste : seulement un taureau et un bélier (plus sept brebis), alors que pour les sept jours de Souccot étaient offerts 70 taureaux (plus 2 béliers et 14 brebis) (cf. Nombres 29, 35-36). Rabbi Eléazar commente cette différence : « A quoi correspondent les 70 taureaux ? Aux 70 nations. A quoi correspond l’unique taureau (du huitième jour) ? A la nation unique (Israël). Ceci peut être comparé à un roi de chair et de sang qui dit à ses serviteurs : Préparez-moi un grand banquet ; mais le dernier jour il dit à son ami bien-aimé : Prépare-moi un simple repas que je puisse me réjouir de toi… » (Talmud Bavli, Souccah 55b).
Le Talmud met donc en évidence l’aspect universel de la fête de Souccot, et par opposition l’accent est mis sur le particularisme de l’élection d’Israël à Chemini ‘Atseret. Un peu plus loin, le Talmud raconte un Midrash : les 7 premiers jours de Souccot sont comparés à un festin pour tout le peuple. Mais le dernier jour, un repas simple est partagé uniquement entre le roi et son ami. Ce qui importe alors n’est pas l’ampleur du festin mais l’intimité entre le roi et son ami, image de l’intimité entre Israël et Dieu.
4. Ajouts particuliers
Une prière pour la pluie est chantée à l’office de Moussaf. Elle est intercalée dans la ‘Amidah, ou placée avant selon les communautés. La prière pour la pluie aurait pu commencer le premier jour de Soukkot, mais en raison du commandement de la soucca, il n’était pas souhaitable que la pluie trouble la semaine de la fête des Cabanes. Du fait que les pluies sont ambivalentes (elles peuvent féconder la terre comme elles peuvent être dévastatrices), elles ne sont à demander «qu’en leur temps» (cf. dans les 18 bénédictions). Dans les communautés ashkénazes et libérales, un autre ajout important est une prière de commémoration pour les morts (Yizkor), à la suite de la lecture de la Torah.
Simhat Torah
1. Origine
Simhat Torah n’est ni d’origine biblique ni d’origine talmudique. Elle est liée au cycle des lectures de la Torah, et serait donc apparue à l’époque des Geonim, au IXème siècle. En effet ce n’est qu’à cette époque que le cycle de lecture s’organise sur une année dans tout le judaïsme, alors qu’il s’étendait auparavant sur deux ou trois ans. Cette fête s’est donc greffée sur celle de Chemini ‘Atseret et se célèbre le 22 Tichri en Israël et le 23 Tichri en diaspora. Simhat Torah signifie la « joie de la Torah. » Toute la célébration s’articule autour des manifestations de cette joie. Pourquoi le choix de ce jour pour célébrer la Torah ? Durant Souccot, de nombreuses mitsvot sont accomplies, puis le jour de Chemini ‘Atseret aucune mistva particulière n’est demandée. D’une certaine manière, « il ne reste plus que la Torah. » Et la joie de la Torah est bien supérieure à toutes les autres joies.
2. Les lectures de la Torah
Chaque semaine, le jour du shabbat, une portion de la Torah au sens strict (c’est-à-dire du Pentateuque) est lue. Les cinq livres bibliques sont découpés en 52 sections appelées parashyot (pluriel de parasha). Le jour de Simhat Torah, dans le cadre liturgique, se conclue la lecture du Pentateuque pour la recommencer aussitôt avec les premiers versets de la Genèse. On lira donc ce jour là : Deutéronome 33,1 à 34,12 ainsi que Genèse 1,1 à 2,3. Comme haftarah, on lit le début du livre de Josué, premier des prophètes. Dans le cas où Chemini ‘atseret et Simhat Torah coïncident, il n’y a que ces lectures. Mais en diaspora, comme il s’agit de deux jours distincts, les lectures pour Shemini ‘Atseret sont différentes.
3. Ajouts liturgiques
Après l’office du soir (‘Arvit), tous les rouleaux sont sortis de l’Arche Sainte, et tous les fidèles tournent sept fois autour de la bimah (estrade de lecture). Ces processions s’appellent haqafot. Les enfants participent aussi en agitant des drapeaux ou en tenant des rouleaux de la Torah miniatures ou en peluche ! Dans certaines communautés on lit la Torah le soir même. Et dans la majorité des communautés, on fait, ou l’on refait la lecture le matin. Le fidèle qui a l’honneur de lire la dernière section du pentateuque est quelqu’un que la communauté veut honorer spécialement. On lui donne le nom de Hatan Torah (« fiancé de la Torah »). Puis une deuxième personne, que l’on honore aussi, lit la première section du rouleau de la Genèse. On l’appelle Hatan Beréchit (« fiancé de Beréchit », Bereshit étant le nom de la première paracha). Dans de nombreuses communautés, des haqafot supplémentaires ont lieu à minha (après-midi) et à ‘Arvit (soir), ou encore hors de la synagogue. En Israël la coutume est d’organiser des «secondes haqafot » la nuit de Simhat Torah au cours desquelles les farandoles sont accompagnées par des orchestres.
Rabbi Michel Liebermann