Juger les autres et se juger soi-même
La paracha de la semaine dernière, Re’éh se termine par un verset très intéressant: «Chaque homme apportera tout ce qu’il peut se permettre, selon la bénédiction du Seigneur, votre Dieu, qu’il vous a donnée» (Deutéronome 16:17) . Fait intéressant, la Paracha de cette semaine, Choftim commence par le verset suivant « Tu institueras (en hébreu titéne lekha = pour toi) des juges et des magistrats dans toutes les villes que l’Eternel ton Dieu te donnera, dans chacune de tes tribus ; et ils devront juger le peuple selon la justice (vechaftou et ha’am michpat tsèdèk)» et si l’on regarde bien l’élément particulier «Vous devrez mettre en place des juges et des responsables de l’application des lois pour VOUS-MÊME dans toutes vos villes que le Seigneur, votre Dieu, vous donne, pour vos tribus, et ils JUGER LES GENS AVEC UN JUGEMENT JUSTE » (Deutéronome 16:18). Quel est le lien entre ces versets? Une réponse est que puisque chaque personne doit servir l’Eternel en fonction de sa propre situation individuelle, la seule personne qui peut réellement nous juger c’est donc bien nous-mêmes (toujours avec l’approche de la croissance personnelle et non avec un sentiment de culpabilité et d’une faible estime de soi !) Et puisque nous ne connaissons pas la condition de notre prochain, la Torah nous ordonne de le juger équitablement et favorablement. Nous lisions dans la Re´éh qui est lue systématiquement à l’approche ou pendant le mois d’Av, mois où nous pleurons la destruction de notre Temple et bien d’autres catastrophes. Malheureusement, nous pleurons aussi et encore parce que nous n’avons pas encore réparé ce qui l’a détruit: la sin’at ‘hinam, la haine sans fondement, et nous déplorons notre manque d’unité. Si nous jugions vraiment nos frères favorablement, la « haine » entre nous serait beaucoup plus faible ( je ne parle ici qu’en « interne », dans la communauté juive) entre institutions et personnes, qu’elles soient orthodoxes, traditionnelles ou libérales), et peut-être que nous n’aurions pas besoin dans ce cas là, la douloureuse période de Ticha B´Av. Cette semaine, nous lisons choftim ( en hébreu : les juges), en début du mois d’Eloul, la période que nous consacrons à la croissance personnelle et à la techouva (au repentir). La clé du repentir est, comme le rappelle Maimonide, l’auto-introspection (‘heshbon Hanefech); pour détecter nos défauts, et aussi pour utiliser nos vertus innées et les travailler. En d’autres termes, pour se juger sainement. Le grand travers de beaucoup d’entre-nous, c’est justement de prendre ( voire de perdre) du temps afin de juger les autres, ce qui nous empêche d’avoir une vie normale. Avez-vous remarqué comment nous fonctionnons ? Nous pouvons faire confiance à n’importe qui, nous pouvons profiter du moment du temps présent en toute confiance, ou avoir des relations profondes avec les autres, cela paraît plausible deulement lorsque nous jugeons constamment tout le monde autour de nous, par rapport à NOS intérêts.
Je me rends compte que je souffre beaucoup de cette forme de jugement que j’émets face à mon prochain, face à ma famille, face à ma communauté, face aux « autres communautés » et que j’ai besoin d’opérer un vrai changement; en fait, mon objectif pour ce mois de Eloul (propice au travail de la réparation juste avant Roche Hachanna et puis Yom Kippour) est de travailler là-dessus. C’est pourquoi j’ai décidé de m’écrire cette lettre comme exercice d’amélioration. Certes, cette écriture à moi-même peut paraître naïve. Je vous la livre, sans complaisance, dans dette rencontre avec ma propre intimité que j’interroge. Cela fait, depuis la fête de Chavouot et surtout depuis la triste date du 9 Av, rappelant les différents effondrements qui se sont produits dans notre histoire, que depuis l’extérieur, j’ai ramené le questionnement sur l’intérieur, afin de grandir et devenir une personne meilleure. Si d’aventure vous êtes aux prises avec la même problématique, cela pourrait également vous inspirer et vous aider.
CHER MOI , MOI ?????? OUI TOI, CHER MICHEL , TU ES LE « MOI » A QUI JE M’ADRESSE, ET JE T’ÉCRIS AU PLURIEL : VOUS.
PARCE QUE , COMME TOUT LE MONDE , JE M’ADRESSE À TOUTES TES COMPOSANTES : MORALES, SOCIALES, INTELLECTUELLES, ÉMOTIONNELLES, ET AUSSI AVEC TON PASSÉ TOURMENTÉ ET CELUI QUE T’ONT LÉGUÉS TES PARENTS ET DE TES ANCÊTRES, JE T’ÉCRIS À TOI, MICHEL, AVEC TON PRÉSENT (LES JOIES D’AVOIR ENCORE TA MAMAN EN BONNE SANTÉ, UNE ADMIRABLE ÉPOUSE, UN FRÈRE ET UNE SŒUR, DES ENFANTS ET DES PETIT-ENFANTS, ET AUSSI AU RABBIN QUE TU ES POUR TANT DE PERSONNES DE TA COMMUNAUTE, À CELUI QUI FAIT PARTIE DE TON PEUPLE « AM YISRAEL » ET DE TA QUALITE D’HUMAIN DANS LE MONDE DES FRERES ET SOEURS EN L’HUMANITÉ. C’EST LA RAISON DU VOUS !!!!!
Michel Michel !!!! vous avez diagnostiqué que vous souffrez dans tout votre être d’une terrible maladie. Vous avez remarqué que vous étiquetez, jugez, qualifiez constamment les personnes en fonction de leur niveau de religiosité, d’intelligence, de leur parole, de leur savoir-faire, de leur apparence physique, du groupe auquel ils appartiennent, etc. Selon la tradition juive, dans de nombreux textes, heureusement, tout cela a un remède très efficace : Michel gardez TOUJOURS les idées suivantes à l’esprit …
1-MICHKE MICHKE !!! me dit ma mère, ne sois pas si dur avec toi-même, c’est ainsi que tu deviens dur auprès des autres !!!! ARRÊTEZ D’ÊTRE TELLEMENT EXIGENT! C’est pourquoi les gens vous déçoivent facilement et que vous avez tendance à vous juger durement, ainsi que les autres. Il faut savoir que tout le monde (y compris vous!) a le droit de se tromper. Et cela ne fait pas de vous une mauvaise personne, en fait cela fait de vous UNE personne! L’Eternel a créé des êtres humains imparfaits, afin qu’ils puissent surmonter leur nature et se transformer en créations plus raffinées. Comme le dit sagement le Roi Salomon dans ses « Proverbes » : «Sept fois l’homme juste tombe et se relève» (Proverbes 24:16) Ne vous diabolisez pas vous-même et ne condamnez pas vos proches et vos collègues pour une mauvaise parole, un mauvais jugement, une erreur!
2-VOUS N’ÊTES PAS DIEU! Vous n’êtes certainement pas l’Eternel, ni une personne super spirituelle qui peut regarder au-delà du monde physique et vous n’avez pas les capacités pour voir l’âme, pour lire dans les pensées, pour dire à quel niveau les personnes que vous rencontrez se situent. Une fois, le célèbre Eliyahou Gaon de Vilna, après avoir accepté un nouveau poste de rav, dut déménager dans un autre village. Il accepta le poste, à la condition que le mendiant du village que tout le monde méprisait, vienne avec lui. Les dirigeants de la communauté perplexes lui demandèrent pourquoi ? Pourquoi le Gaon de la génération voudrait-il emmener cet homme humiliant avec lui !? Le Gaon de Vilna répondit que ce simple sans-abri était l’un des lamed-vav tzadikim nistarim, l’un des 36 justes cachés dans le monde.
Michel Michel, vous répondrez certainement ( car vous savez ce qu’est le hessed – la bienveillance) que ce mendiant, s’il fut ce lamed-vavnik ou pas, cela nous apprend que vous ne pouvez jamais juger de ce que vous voyez, la vraie grandeur vient toujours de l’intérieur.
3– VOUS NE SAVEZ PAS LE PARCOURS DE VIE QUE VOTRE PROCHAIN A TRAVERSÉ. Le processus est encore plus important que l’état dans lequel vous vous trouvez actuellement. Par exemple : on raconte l’histoire de ce rebbe, qui à la sortie de la synagogue, le jour de chabbat, rencontre un de ses fidèles, cigarette au bec qui lui souhaite un joyeux « chabbat chalom » N’allez pas l’admonester en lui rappelant les interdits chabbatiques, faites comme ce rebbe qui lui répondra en souriant : « Merci mon Dieu, ce juif sait encore que c’est chabbat aujourd’hui, et qu’il est honnête en saluant son prochain avec la formule consacrée. » N’oubliez jamais ce que les Maximes des Pères, Pirkei Avot dit: «Qui est appelé sage? Celui qui apprend de chaque homme »(Avot 4: 1) Chacun a une histoire inspirante, peut-être dans son judaïsme, au sein de sa famille, dans son enfance, dans sa carrière, etc. Au lieu de comparer la croissance des autres à la vôtre, essayez de grandir en apprenant de l’évolution (quelles que soient les domaines) que vous voyez autour de vous.
4– VOS PRIORITÉS SONT-ELLES DANS LE BON ORDRE? Michel, Michel, disait mon papa, As-tu consacré AU MOINS, le même temps et la même énergie à vérifier ton comportement que le temps que tu passes à vérifier celui de ton prochain ?? Êtes-vous plus concentré sur la dépréciation des autres que sur votre propre croissance personnelle? Peut-être que mal juger vos amis vous fait vous sentir mieux dans votre peau, parce que cela vous donne l’impression que vous êtes meilleur et que vous n’avez pas besoin de changer? (ga’ava ga’ava , orgueil orgueil quand tu nous tiens). Mais ce n’est pas vrai, ce n’est pas une fatalité !!! Même si l’amélioration est difficile ( et c’est le vrai Tikkoun – et c’est le dur chemin de la Techouva), c’est la raison pour laquelle nous sommes dans ce monde. Alors, passer notre temps et notre énergie à juger et à médire et à critiquer les autres, c’est ce qui nous empêche d’atteindre notre potentiel maximum.
5– LE JUGEMENT N’A AUCUN EFFET. Michel Michel, vous vous souvenez de la fois, il y a des années où vous parliez avec votre ami Simon, d’un ami commun qui était en dépression? Après avoir longuement parlé de lui, votre ami Simon (bien que juif communiste, déporté, et non pratiquant) vous a donné un message très fort: «Il ne s’améliorera pas si nous ne faisons que de parler de lui, la seule chose que nous pouvons faire pour l’aider, c’est d’être près de lui, de l’écouter, et toi Michel, rabbin, en plus, tu peux aussi prier». Parler avec autrui de problèmes des autres, c’est souvent avoir une attitude très passive et apathique. Si vous souhaitez vraiment le meilleur aux autres, ne les critiquez pas, écoutez-les, vous prieriez (car ça vous l’avez bien appris avec votre papa et vos maîtres) et ainsi vous découvrirez un moyen efficace et sincère pour l‘aider. Nous nous souvenons de toujours souhaiter le meilleur pour notre famille et notre cercle d’amis. Il est également important d’appliquer cela aux personnes qui ne sont pas si proches, qui vont peut-être dans une autre synagogue ( ou pas du tout) ou à quelqu’un qui a une philosophie différente de la nôtre. Parce qu’après tout «Kol Yisrael Arévim zè la zè», «Tout Israël est responsable l’un de l’autre» (Tamud Chevouot 39a), malgré toutes nos différences et désaccords.
6–Michel Michel, je suis content de te voir, dit rav Avraham Meimoun, en me pinçant la joue, je ne te vois pas souvent !!!! NOTRE TORAH A UNE SOURCE DIVINE, CELA SIGNIFIE QU’ELLE EST INFINIE. Puisque la Torah est littéralement dans notre spiritualité l’outil avec lequel les êtres humains peuvent comprendre certains projets divins, par conséquent, dans le judaïsme, il y a de la place, pour de nombreux hachkafot, points de vue, pour de nombreux mouvements, etc. Dans notre religion, deux rabbins résolvent le même cas halakhique d’une manière opposée, et les deux sont corrects en même temps. Il en va de même pour les groupes au sein des courants depuis l’orthodoxie jusqu’aux plus libéraux, nous devons apprendre à nous respecter les uns les autres, malgré nos différences car en fin de compte, nous aspirons tous à la même chose: ahavat Hachém veahavat haberiot, l’amour de l‘Eternel et des créatures, nous attacher à nos traditions et à nos croyances quelle que soit l’influence du reste du monde. et être un « Or la’Goyim, une Lumière pour les Nations».
7– Michel Michel, dans quelle posture es-tu ? me demande Rav Léon Askenazi, où est ta place dans l’humanité ? «L‘HOMME EST BIEN AIMÉ, CAR IL A ÉTÉ CRÉÉ DANS SON IMAGE » (Pirkei Avot 3:14) Si vous vouliez l’intérioriser, vous ne jugeriez ni ne dénigreriez jamais une autre personne. Comment un être humain peut-il imaginer qu’il a le droit de critiquer une autre création divine? Souvenez-vous toujours de ce principe de base dans le judaïsme, vous serez beaucoup plus conscient lorsque vous jugerez une autre personne (après tout, il est votre frère, votre sœur en humanité)
8–TOUT EST MIDAH KENEGED MIDAH – MESURE POUR MESURE. Nous savons que la façon dont nous jugeons les autres détermine la façon dont l’Eternel nous jugera. Comme le dit le Talmud du chabbat, cité par notre défunt maître Rav Adin Steinsaltz: «Si quelqu’un juge son camarade de manière positive, il sera jugé favorablement par l’Omniprésent.» (Shabbat 127b). C’est une bonne affaire! Si vous voulez être jugé par l’Eternel par Son attribut de compassion (‘hessed vera’hamim), souciez-vous de « juger » les autres de la même manière ( lekaf ze’hout).
9- MIKHOEL MIKHOEL, comme m’appelle souvent avec tant d’affection le docteur Charles Heiselbec, j‘espère vraiment que ces conseils et ces idées vous serviront d’outil pour améliorer tout ce que vous avez compris qu’il faut travailler. Je vous garantis que si vous les révisez tous les jours, si vous les méditez à l’intérieur de vos prières et que vous les appliquez dans votre vie, vous remarquerez de grands changements en vous et dans votre environnement. B’Hatzla’ha pour une belle amélioration de vos qualitésv humaines.
10- MICHEL, MICHEL, apprenez à bien vous aimer, à bien vous respecter, à être à l’écoute, à toujours être dans l’ouverture !!! et ainsi vous pourrez mieux aimer votre prochain.
Michel