Nombres 30: 2 – 36:13
De nombreuses batailles sont décrites dans la torah. La paracha de cette semaine décrit celle des Israélites contre la nation de Midian. L’Eternel dit à Moïse qu’il devrait les attaquer. La paracha décrit la façon dont Moïse a rassemblé les gens pour former une armée et donne de nombreux détails sur la bataille et ses suites. Il y a deux façons de voir les choses :
La premier est le fait historique littéral. Pour survivre, et ce, tout au long de son histoire, et jusqu’aujourd’hui, le peuple juif a dû lutter contre diverses forces. Les Midianites ont cherché la destruction des Juifs, et des mesures ont donc dû être prises contre eux. La Torah nous le dit parce que de différentes manières à différents moments, nous sommes confrontés à des batailles similaires. Parfois ce sont des batailles militaires, parfois culturelles. Dans le cas des Midianites, une partie du problème était leur tentative d’attirer vers l’idolâtrie les enfants d’Israël par la séduction des femmes midianites. (voir le commentaire précédant dans Pin’has)
La deuxième façon de comprendre cet événement est au niveau interne. Les nations hostiles que le notre peuple rencontre dans les pages de la Bible signifient des forces négatives qui sont en soi. On peut dire que les batailles constantes du peuple juif représentent la lutte constante de l’individu contre les qualités négatives internes en chacun de nous.
Midian, nous disent les rabbins, se rapporte au mot madon qui signifie «conflit». Ce trait négatif s’exprime dans une antipathie et une hostilité aux autres. On sent que l’autre s’empare de son propre territoire. L’existence de l’autre est même irritante, voire insupportable. C’est la qualité de la «haine sans cause» (sin’ate ‘hinam) qui, selon le Talmud, a provoqué la destruction du Temple de Jérusalem. En somme, la bataille contre Midian se présente ici comme la lutte interne contre son propre égoïsme et le rejet des autres.
Un aspect clé de la bataille est le fait que l’Eternel dit à Moïse qu’il devrait lui-même être personnelle ment impliqué. Nous avions déjà parlé du « Pharaon intérieur », représentant les élans négatifs ; ici, il s’agit du « Moïse intérieur ». Chacun de nous a la qualité de «Moïse» en nous. Ce « Moïse intérieur » représente le pouvoir de l’altruisme avec toutes ses vertus: tout le contraire de l’égoïsme et de l’égocentrisme qui nous fait rejeter les autres. Chacun de nous a un potentiel intérieur pour aller au-delà de son propre soi. Elle s’exprime dans des actes d’héroïsme, mais aussi dans des moments de dévouement intense. Dans cette période de pandémie 2020, cela est d’actualité :
– Un groupe de personnes qui se lève pour planifier des événements caritatifs et solidaires
– une personne seule qui s’occupe de façon désintéressée de son voisin, ou d’un parent âgé
– il y a d’innombrables façons d’exprimer notre «Moïse» intérieur et pur dans nos vies.
Ce « Moïse intérieur » nous aide à briser la force intérieure de Midian. Plutôt que de haïr et de mépriser les gens (quels que soient les prétextes et motifs), nous les acceptons et nous arrivons même à les aimer comme l’exige le commandement de la Torah: “aime ton prochain comme toi-même” (Lévitique 19:18 ), du moins à les respecter.
Aucun discours de haine, de racisme, de ségrégation n’a de place dans le coeur et la bouche d’un enfant d’Israël. Qedochim tihyou – Restez un peuple consacré !!!
La bataille contre Midian décrite dans la Sidra est donc une lutte cruciale qui se poursuit à notre époque. Elle se rapporte en particulier dans la dernière période au sein des « 3 semaines » au début des «9 jours», commençant le 1er jour du mois de Av, culminant au 9 Av (tichea beAv), lorsque nous jeûnons en deuil pour la destruction du Temple et l’Exil de notre peuple. Les Sages nous disent que la cause de destruction du Temple fut la haine gratuite entre nous, (sineat ‘hinam) sans cause aucune, c’est cela qu’indique l’expression de la force intérieure de Midian, des conflits, de la négativité. Nos rabbis, excellents visionnaires et pédagogues s’accordent avec les prophètes d’Israël à proclamer dans l’Espérance, que le prochain Temple sera reconstruit par un amour sans cause. Ceci est certainement effectué par l’excitation du Moïse intérieur, en chacun de nous, faisant partie de notre essence la plus profonde.
Rabbi Michel Liebermann