Pour rappel : Suite à la Révélation du Sinaï et à la promulgation du Décalogue, notre paracha décrit une série de lois à l’adresse du peuple d’Israël. Elles incluent les lois relatives au serviteur contractuel, aux peines sanctionnant le meurtre, le rapt, l’agression et le vol, les lois civiles relatives aux réparations des dommages, aux prêts financiers, et à la responsabilité des quatre catégories de gardiens, ainsi que les lois régissant le procédé judiciaire mené par les tribunaux. Sont également enseignées les lois mettant en garde contre le fait de maltraiter les étrangers. L’observance des fêtes saisonnières et des offrandes agricoles qui devaient être apportées au Temple ( appelé ici Tente d’Assignation). L’interdiction de cuire de la viande avec du lait. En tout, la paracha de Michpatim contient 53 mitsvot : 23 commandements impératifs et 30 interdictions. L’Eternel promet de mener le peuple d’Israël à la Terre des ancêtres et les prévient de ne pas adopter les comportements païens de ses habitants actuels. Le peuple proclame : « kol achèr dibér Hachém, naassé venichma », que je traduis volontairement par : Nous ferons puis nous comprendrons tout ce que Dieu nous commande. Laissant Aaron et ‘Hour en charge du camp des enfants d’Israël, Moïse gravit le mont Sinaï et y demeure pendant quarante jours et quarante nuits pour recevoir la Torah.
Faire face à la Loi et aux responsabilités, qualifiées souvent aujourd’hui de « religieuses », nous conduisent à avoir des comportements divers, souvent associés à l’éducation reçue, au contexte familial et social, à la compréhension, à la discipline que l’on s’impose ainsi qu’à la stabilité de notre être. Ainsi, par l’exemple des 4 excuses, nous pouvons comprendre comment nous instaurons ces « mécanismes de défense » (merci papa Freud), qui, en hébreu moderne s’appellent « téroutsim », les excuses, lesquels sembleraient nous dédouaner de certaines de nos tâches. Entre-nous, ce n’est pas seulement devant nos tâches « religieuses », elles débordent sur plein d’autres domaines de la vie. Observons-les :
Première excuse «C’est comme ça que Dieu m’a fait»: pourquoi ne devrais-je pas faire ce que je veux? Après tout, si je le veux, cela signifie qu’il y a quelque chose en moi qui me dit de le vouloir, non? Je suis juste moi. N’est-ce pas naturel que je sois moi?
Seconde excuse “Désolé, je l’ai perdu”: Ecoutez, je sais que c’est une erreur. Mais je ne peux pas me contrôler. J’ai cette séquence violente en moi qui … eh bien, une fois que cela a démarré, je ne peux pas m’arrêter.
Troisième excuse «Je suis spécial»: je suis artiste / homme d’affaires / religieux / commandant / héritière / scientifique/ professionnel… J’ai des talents et des capacités très spéciaux et de grandes choses à accomplir. Les règles régulières ne s’appliquent pas à moi. Je ne peux pas être contraint par des lois conçues pour garder le troupeau en ligne.
Quatrième excuse «je suis un petit, moi» et «à quoi ça sert» Vous savez, j’avais l’habitude de me soucier de ces choses et d’essayer de redresser les torts du monde. Mais à quoi ça sert? Le monde est ce qu’il est, et ce que je fais ou ne fais pas de toute façon ne fera pas beaucoup de différence. Je laisse juste les choses être. Détendez-vous, laissez les choses suivre leur cours.
La lecture de la Torah de Michpatim («Lois» – Exode 21-24) comprend une grande partie de ce que l’on peut appeler le «code civil» de la Torah – les lois régissant les agressions criminelles, le vol, les dommages, les prêts et les locations, les relations employeur-employé, etc. Mais comme les maîtres hassidiques nous le rappellent à maintes reprises, tout dans la Torah possède à la fois un «corps» et une «âme»: le concept le plus élevé ou ésotérique a une application pratique, et la loi la plus technique a également une portée spirituelle. Michpatim inclut les lois des quatre prototypes de dommages (comme le Talmud les définit) – «l’animal, la fosse, l’homme et le feu».
Techniquement, ceux-ci décrivent quatre catégories fondamentales de dommages dont une personne porte la responsabilité:
1) «Animal»: ce sont les dommages causés par son animal ou autre possession (par exemple, votre bœuf encorne la vache de votre voisin; votre chèvre mange les plants de tomates de votre voisin);
2) «la fosse»: ce sont les dommages passifs causés par la négligence criminelle (par exemple, vous creusez un trou au milieu de la rue, vous ne placez aucune protection et quelqu’un tombe et se casse la jambe);
3) «Homme»: ce sont les dommages actifs, infligés par l’homme (par exemple, vous cassez sa lampe à 1 000 euros sur le nez d’une personne);
4) «Incendie»: ce sont les dommages résultant de l’incapacité de contrôler les forces potentiellement dommageables qu’il est de la responsabilité de contrôler (par exemple, vous brûlez des ordures dans votre cour arrière et elles se propagent dans la propriété de votre voisin).
Les «quatre prototypes de dommages» décrivent également quatre phénomènes spirituellement dommageables:
1) la tendance à suivre aveuglément et sans discernement nos ruses et nos désirs («l’animal»); 2) l’incapacité à contrôler la colère et les autres forces destructrices dans notre psyché («feu»); 3) l’illusion que tout est permis dans la poursuite d’un objectif «supérieur» («homme»);
4) l’inertie de l’âme passive et évidée («la fosse»).
Comme les lois de Michpatim mettent en garde et prescrivent les remèdes pour les “Prototypes de dommages” physiques, “l’âme de la Torah” va contrecarrer ses quatre analogies spirituelles:
– Oui, notre instinct animal est naturel, nécessaire et souhaitable; mais seulement lorsqu’il est guidé et dirigé par les instincts supérieurs de notre âme divine.
– Oui, des forces volatiles font rage en nous; mais on nous a donné la responsabilité et les moyens de les contrôler.
– Non, nos aspirations les plus élevées et les plus spirituelles ne sont pas exemptes de la primauté du droit. Au contraire, lorsqu’ils ne se soumettent pas à son autorité supérieure, ils deviennent la cause des plus grands maux perpétués par l’homme.
-Et pour ce dernier, en effet, la passivité est une ornière trop facile à faire.
C’est donc un rappel constant à ce que nos actions fassent une différence dans le monde créé pour nous les humains par le divin. L’Eternel l’a créé, Il nous a confié la tâche de l’améliorer (Tikoun olam) et Il nous a fourni les ressources pour le faire. Nous n’avons qu’à gratter la surface de notre âme pour découvrir la foi (emouna), la volonté (ratson), la passion (hitlahavout) et l’énergie (koa’h) pour agir.
Rabbi Michel Liebermann