Deutéronome 29,9 – 30
En visite chez des amis, y a quelques années de cela, j’ai vu ces quelques lignes du poème d’un auteur dont j’ai oublié le nom, recopié sur un post-it, apposé sur la porte du réfrigérateur : «Dis-moi, chaque fois que tu prends du jus d’orange ou du lait avec les yeux encore troubles le matin, que comptes-tu faire de ta vie sauvage et précieuse? »
Parachat Nitsavim contient le fameux commandement de choisir la vie. Nous lisons (Deutéronome 30:19): “J’appelle le ciel et la terre à vous témoigner aujourd’hui: je vous ai mis la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction – choisissez donc la vie!”
Cette phrase est un exemple classique de «mérisme», une figure de style fréquemment utilisée dans la Bible, où deux parties ou éléments sont utilisés pour désigner le tout. Par exemple, dans Genèse 1: 1, lorsque l’Eternel crée les cieux et la terre, les deux parties indiquent que l’Eternel a créé l’univers entier.
Lorsque la Torah déclare que l’Eternel met la vie et la mort devant nous, notre tradition ne nous dit pas de décider de vivre ou de mourir, mais que chaque choix que nous faisons depuis la naissance jusqu’à la mort compte. Ces choix vont de la façon dont nous traitons nos proches à la façon dont nous dépensons de l’argent; de qui nous apportons dans notre vision du monde, à la façon dont nous choisissons notre nourriture. Dans chacun de ces choix, nous devons choisir la vie.
Un réseau de mutualité : Mais que signifie alors ouva’harta Ba’hayim «choisir la vie»? Qu’y a-t-il dans chacune de ces décisions apparemment mineures qui justifie le poids de la vie et de la mort?
Selon moi, la réponse réside dans l’impact de chaque choix sur tous les autres êtres de la planète. Comme l’a dit Martin Luther King : «Nous sommes pris dans un réseau inéluctable de mutualité, liés dans un seul vêtement du destin.» Nos choix affectent non seulement nous-mêmes, mais aussi la vie au niveau mondial – lorsque nous choisissons de conduire moins, de dépenser moins et de consommer moins, nous choisissons la vie. Et nous choisissons la vie à chaque fois que nous élevons nos voix pour défendre les droits civils ou la protection de l’environnement.
Les catastrophes à l’échelle mondiale mettent en évidence l’impact sur la planète des choix humains qui n’affirment pas la vie. Bien que les catastrophes puissent sembler «naturelles», les choix humains jouent un rôle important. Tout d’abord, le changement climatique mondial causé par les excès de l’industrialisation ; la fabrication humaine exacerbe la vulnérabilité de notre planète face à des conditions météorologiques imprévisibles. En outre, la pauvreté et les faibles normes de travail conduisent plus de personnes que jamais à vivre dans des plaines inondables ou dans des zones sujettes aux glissements de terrain, en particulier dans le Sud de nombreux pays (regardez le nombre de pays où grondent les tensions, car c’est dans la partie Nord que les richesses sont produites), il y a des exceptions, bien sûr.
Enfin, la pauvreté et un déséquilibre mondial des richesses créés par les décisions économiques humaines affectent considérablement l’ampleur des catastrophes. Sans avoir de recul sur la pandémie qui sévit en ce moment sur la planète, fauchant la vie presque de façon aveugle aux centaines de milliers de personnes, je reprend une autre constante : comme le note le chroniqueur du Brookings Institute, «les chances de survivre à une catastrophe naturelle sont beaucoup plus élevées dans les pays développés que dans les pays en développement. Par exemple, en 1988, un tremblement de terre de 6,9 sur l’échelle de Richter a frappé l’Arménie, tuant quelque 55 000 personnes et laissant 500 000 sans-abri. Moins d’un an plus tard, un tremblement de terre encore plus fort, 7,1 sur l’échelle de Richter, a frappé San Francisco, en Californie, faisant 62 morts et 12 000 sans-abri. »
Nous sommes une communauté Ces statistiques peuvent sembler très éloignées de notre propre vie. Cependant, Nitsavim indique l’importance de se tenir ensemble en tant que communauté humaine. La paracha commence par les mots (Deut.29: 9-10): « Vous vous tenez aujourd’hui, vous tous, devant l’Éternel, votre Dieu – vos chefs de tribu, vos anciens et vos fonctionnaires, tout le peuple d’Israël, vos enfants, vos femmes, même l’étranger dans votre camp, du bûcheron au porteur d’eau – afin d’ entrer dans l’alliance avec l’Éternel, votre Dieu. »
Toute l’humanité, résidents et étrangers, chefs de tribus et porteurs d’eau, se tient ensemble dans une toile de réciprocité dans cette partie, prête pour ce qui va suivre, pour ce qui sera créé ensemble. Lorsqu’on nous dit de choisir la vie pour nous-mêmes, nous devons également choisir la durabilité pour la planète.
Cette semaine, nous sommes à quelques jours de Roch Hachana. Traditionnellement, ces journées, depuis le 1er Eloul, sont consacrées à faire un inventaire intérieur intensif de nos vies et de nos choix alors que nous réfléchissons à la façon dont nous voulons vivre l’année à venir. En cette saison, puissions-nous être unis pour choisir la vie pour nous-mêmes et pour le monde. Alors que nous nous regardons avec des yeux troubles à l’aube de la nouvelle année, pouvons-nous nous demander: dis-moi. Que comptes–tu faire de ce monde sauvage et précieux?
Ce n’est peut-être pas un hasard si cette portion de la Torah vient juste avant Roch Hachana, alors qu’en général, tant de personnes et familles affluent vers la synagogue. Et chaque année, il y a de plus en plus de personnes assises sur les bancs de la synagogue qui viennent de différents horizons, conséquence directe du nombre croissant de familles interconfessionnelles (appelées aussi mixtes) dans toutes nos communautés.
Si le don de la Torah est l’événement central du peuple juif, comme la plupart en conviendront, alors l’enseignement principal de cette expérience est résumé dans ce texte de base de la partie de la Torah de cette semaine: « Vous vous tenez aujourd’hui tous devant le Seigneur votre Dieu; les chefs de vos tribus, vos anciens et vos officiers, avec tous les hommes d’Israël. Vos petits, vos femmes et l’étranger qui est dans votre camp, depuis le bucheron jusqu’à celui qui puise votre eau. . . Et ce n’est pas avec vous seul que je ferai cette alliance et ce serment. Mais avec celui qui se tient ici avec nous aujourd’hui devant le Seigneur notre Dieu, et aussi avec celui qui n’est pas ici avec nous aujourd’hui. « (Deutéronome 29: 9-14)
Nous sommes tous ensemble dans ce voyage historique, même dans nos communautés lorsque nous ne sommes pas d’accord, même entre les courants inhérents au judaïsme lorsque nos perspectives sont en conflit les uns avec les autres. Cela est clair. C’est peut-être notre position commune au Sinaï qui nous donne la force de continuer le voyage, quelle que soit sa difficulté.
Mais il y a plus encore dans le message final étonnant de Moïse qui est enregistré dans la Torah. Si ce n’était pas si important, pourquoi le défendrions-nous autrement? Et si vous croyez comme moi que le don de la Torah au Sinaï n’était pas limité à cette expérience individuelle de la montagne – que nous pouvons encore entendre les échos de cette Révélation à travers le temps, que nous n’avons besoin d’écouter que si nous voulons, et désirons ardemment entendre la voix de l’Eternel parler – alors le la signification principale du discours de clôture de Moïse au peuple d’Israël devient intemporel, traverse les générations et est incontestable.
La communauté de l’alliance (la berit) est suffisamment vaste pour inclure ceux et celles qui se tenaient à ce moment-là au Sinaï, ainsi que ceux et celles qui étaient des « étrangers » (ceux qui ne pensent pas comme ) et pourtant tous étaient toujours les bienvenus pour habiter parmi le peuple, et tout ceux qui n’étaient pas présents à l’époque.
Mais le texte du Deutéronome n’est pas terminé. Il continue: «Choisissez la vie pour que vous et vos enfants puissiez vivre.» (Deutéronome 30:19) On nous présente de nouveau cette option à notre époque. Nous pouvons choisir la vie pour que tous nos enfants puissent vivre. Je prie pour que nous fassions le bon choix et accueillons les «étrangers parmi nous» et «ceux qui ne sont pas [encore] avec nous». Ouvrons la porte à toute la communauté juive en cette haute saison des Fêtes afin que de nombreux «étrangers» ( que subjectivement nous qualifions d’étrangers) puissent la traverser.
Rabbi Michel Liebermann