Genèse 47,28 – 50,26
La Paracha Vaye’hi de cette semaine semble transformer le Livre de Beréchit en une pièce de style shakespearien, que vous avez probablement rencontré en cours d’anglais. A l’intérieur de la Thora, composé de 5 Livres, le titre de chacun d’eux décrit en un seul terme la façon dont tout a commencé dans un cycle (tout comme le 2nd Chemot, «Les Noms», est notre identité donnée; le 3ième VaYikra, «Et il a appelé» – notre identité ou l’appel; le 4ième Bamidbar, «Dans le Désert» – le vaste plan de vie et ses immenses possibilités; et le 5ième Devarim, «Les Paroles» – ce que nous avons fait, ce que nous allons faire, ce qui nous fait après notre périple à travers le désert – un cycle qui se répète toujours de manière mauvaise, bonne, vraie et fausse). Dans ce premier livre du départ (la Genèse), nous voyons chacun de nos patriarches vivre et mourir, le dernier verset faisant référence à la mort de Joseph. Pourtant, même s’il semblerait que VaYe’hi, «et il a vécu», est tout aussi étrange que Veyahou ‘hayé Sarah « et c’était la vie de Sarah », dans laquelle les gens meurent, et apprenons en quoi la vie est-elle un bon moyen de commencer les choses? Dans notre texte, c’‘est la fin, la finale, et la paracha nomme cela la vie? Le’haim! Est-ce Pourim? Tout est-il en opposition? Peut être pas.
Chacun de nous peut interpréter différemment, car nous avons chacun une vision unique et spéciale de la vie, mais encore une fois peut-être pas. Peut-être s’agit-il de la vie, de l’amour et de toutes les choses molles ou belles de la vie. Etes-vous encore là ? Veuillez ne pas y aller !!. J’espère que je ne vous pas perdu. Ok, on peut continuer.
Chaque conclusion est aussi un début. La vie a ses fuseaux horaires constituant ses développements. Dans le judaïsme, la vie continue après la mort physique, mais pas de la même manière.
La vie que nous menons maintenant, comme discuté dans Pirkei Avot, est tout aussi, sinon plus, précieuse que le «paradis». Et chaque personne qui vit est unique et précieuse l’une pour l’autre. En aucun autre endroit cela n’est plus vrai, et au plus haut degré aussi bien que le plus bas, comme dans cette Paracha.
Nous voyons Yaakov, le père de Yossef, reconnaître les réalisations de son fils, le pouvoir que son fils possède qui n’est pas utilisé méchamment ; on y voit le respect que Yossef témoigne vis-à-vis de son père, de ses frères, du pouvoir en place. De même, Yossef a un immense respect pour le père qu’il a aimé et il sait l’aimer, comme le montre cet instant de reconnaissance de son indépendance, en lui jurant qu’il n’inhumera pas Yaakov en terre de Mitzrayim (Egypte). Le cycle du respect mutuel répond par le respect mutuel. Les frères de Yossef, en réalisant la mort de leur père
, c’est-à-dire que leur père n’est vraiment plus avec eux physiquement, ont peur de Yossef. Ils pensent: “Hé, ce frère contrôle ce territoire et va nous effacer parce que papa n’est plus là.” Yossef, lui, est choqué et pleure. Il se questionne: “Suis-je Dieu?”(50,19) C’est évidemment une question rhétorique, mais Yaakov ne s’est-il pas incliné devant Yossef après que celui-ci lui promit de ne pas l’enterrer en Egypte?
Rachi cite la Guemara «Même un renard a son jour», expliquant que Yaakov s’est incliné pour donner à son fils, (qui ne l’égalera pas, spirituellement parlant), le respect accordé, pour qu’il ne se prenne pas pour dieu (qui pourrait être la coutume égyptienne). Il s’incline alors (selon le Midrach) en direction de Jérusalem et fait jurer Yossef en mettant la main sous sa cuisse (rite de serment aux temps bibliques), ou mieux encore, sous la gouverne du Divin, qui est de loin plus puissant que Pharaon et Yossef. Nous devons y voir dans ce geste la reconnaissance du bien, de la vérité, de l’amour (filial et paternel), de leur vie ensemble et surtout, ce que le Texte tend à nous montrer , de leur continuation. Car Yaakov continue de vivre, en esprit, après sa mort. C’est le sens de «od avinou ‘haï, «notre père (Jacob) vit encore».
Les frères sont différents, ils craignent Yossef, qui n’est même pas Pharaon. Et dans la peur ils imaginent que Yossef se croit au-dessus de l’Eternel. Puis ils voient l’inverse, ils se sont trompés et Yossef se lamente, non seulement pour la mort du père, mais du temps perdu, ce manque d’amour fraternel, les années perdues où il n’a pu aimer la vie : cette vie de fraternité et d’unité qui lui a manquée auprès de ses frères, ainsi que vis-à-vis de l’Eternel. Alors, et alors seulement, les frères de Yossef réalisent ce qu’ils lui ont fait subir. Voilà, racontera le Texte, ce qu’ils ont fait aux générations futures, que mettront 400 ans à effacer (esclavage – Moïse – Sortie d’Egypte – constitution de la Nation). Les générations issues des 12 tribus apprendront à commencer à aimer, à être solidaires les uns des autres, à prendre soin, à craindre, à donner un sens à la vie et à voir la beauté, et non plus la jalousie – mais c’est un long chemin et le cycle recommence – vers la fin et le début de cycles plus beaux et plus complexes.
Rabbi Michel Liebermann