Lors de la Proclamation des «10 commandements» au mont Sinaï, il apparaît immédiatement que 70% d’entre eux sont exprimés par la négative. Des 613 Mitsvot, 365 sont également des «à ne pas faire». C’est presque 60%. Pourquoi est-ce que je mentionne ces statistiques plutôt vagues ? Je peux encore goûter l’amertume que j’ai ressentie en tant que jeune élève à l’école lorsqu’un professeur de sciences humaines chrétien invité à nous donner un cours nous balança tout de go que «l’Ancien Testament» est rempli de négativité par opposition à l’autre version plus récente («les Evangiles)» qui n’est remplie que d’amour et de préceptes positifs.» Je devais avoir 8 ou 9 ans, j‘étais paralysé par l’ignorance. Je ne savais pas quoi répondre. Depuis, j’ai entendu cette question souvent sous forme de plainte d’innombrables fois en cours de route, également reprise par les Juifs. «Rabbi, pourquoi y a-t-il toutes ces mitsvot négatives?»
Essayons deux approches pour commencer la discussion! Lors de l’un de mes séminaires j’avais expliqué que le Chabbat est connu pour sa multitude de soi-disant mitsvot négatives. Il existe en effet 39 catégories d’interdits de base et chacune a théoriquement 39 sous-ensembles, sans parler d’une multitude d’interdictions rabbiniques (qui s’ajoutent de jour en jour!!!!!). Il y a ce sentiment effrayant que l’on entre dans une sorte de prison entourée de règles sans fin.
Pourquoi toute cette négativité? J’ai expliqué que les Mitsvot «négatives» sont vraiment plus libératrices que les Mitsvot «positives» à réaliser. Comment cela peut-il être possible ? Si j’ai une longue liste de «choses à faire», ma journée sera consacrée à toutes ces «choses à faire». Chacune d’elle exige que je sois là pour accomplir l’acte. Ainsi je suis obligé de mettre les Tefillin à un certain moment, je dois prendre le temps de faire cet acte. Manger les Matsot à Pessa’h, secouer le Loulav dans la souccah à Souccot…… et surtout étudier la Torah. Chacun de ces principes exige ma présence et m’ancre à un moment donné dans le temps et l’espace!
Je suis heureux de vivre de manière productive, mais dans un monde qui a une durée limitée il y a des fois des choix difficiles à faire, également en termes d’énergie à fournir pour tel ou tel acte. Par contre, ce n’est pas le cas avec les Mitsvot «négatives»! Tant que je ne transgresse aucune des choses sur ma liste «à ne pas faire», je peux faire presque n’importe quoi d’autre.
Ainsi, tant que je ne regarde pas le match à la Télé pendant Chabbat ou que je n’écris pas ni ne téléphone, je peux profiter d’un monde aux possibilités infinies. Pendant Chabbat, seul, ou en famille, nous pouvons prier, manger, faire des promenades et chanter et parler et dormir et apprendre et plus encore. Tant que je ne tue pas ou ne convoite pas les biens d’autrui, tout le reste est potentiellement disponible. Je ne suis donc pas lié par ces mitsvot «négatives».
Je deviens vraiment libre par la discipline et le fait de m’abstenir. Du coup, ces préceptes ne sont pas du tout «négatifs»! Ils ne sont que prohibitifs. Ils exigent que nous renoncions à ces comportements spécifiques, mais ils ne nous lient pas du tout.
Deuxièmement, imaginez que vous envoyez votre fils ou votre fille adolescente pendant un an à l’université ou même en Israël. Soyons honnêtes, maintenant. Avant qu’ils ne partent, vous organisez une séance parentale et vous leur donnez une longue liste de ce qu’il y a «à faire», «toujours» et de «jamais». Quelle liste sera plus longue et plus emphatique ??? : Ecrire régulièrement à la maison! Enregistrer le solde dans ton chéquier! Donner à la tsedaka, à la charité! Emporter le passeport avec toi partout où tu iras, etc. Vient maintenant la liste à ne pas faire! Si jamais j’entends dire que tu … N’ose pas essayer … En observant bien : la violation de l’un de ces éléments pourrait non seulement nuire à votre expérience de voyage, mais certains d’entre eux pourraient même ruiner votre vie. Du coup il y a plus de choses qu’ils n’osent pas faire qu’ils ne devraient pas faire pour assurer une expérience saine. C’est donc ainsi! Il y a plus de choses que nous ne devrions pas faire pour approcher notre potentiel, et progresser dans la vie. Donc, tant que nous parvenons à éviter toutes ces rencontres potentiellement destructrices, nous aurons beaucoup plus de temps et d’énergie à consacrer à des activités positives. Du coup, comme dit le Texte : « sour mérah veasséh tov », écartes-toi du mal et agis pour le bien.
Rabbi Michel Liebermann