Regards sur les aliments symboliques lors de la soirée de Pessah
rabbi Michel Liebermann
La nuit de Pessah est vraiment différente des autres nuits. Mystique et sacrée, riche en coutumes et traditions, elle abonde de Mitzvot qui nous viennent de la Torah ou, plus tard, des Rabbins. Chaque détail est d’une grande importance et nous devons suivre minutieusement les différentes étapes, convaincus que rien n’est superflu. Le mot « Seder » signifie « ordre », indiquant que le déroulement de cette soirée suit un programme bien établi, arrangé par nos rabbis sous l’inspiration divine et rempli de sens cachés et d’interprétations profondes. Nous allons en évoquer quelques-uns.
2. Principales étapes du Seder Le Seder est constitué de 15 étapes, chacune identifiée par un nom spécifique. Ces noms forment un poème que nous chantons pour nous aider à nous les rappeler et à respecter l’ordre dans lequel nous devons les accomplir : Kadech, Our’hatz, Karpas, Ya’hatz, Maggid, Rochtza, Motzi, Matza, Marror, Kore’h, Choul’han Orech, Tzafoun, Bare’h, Hallél, Nirtzah.
Les aliments présents sur table du Séder interviennent à plusieurs moments de la soirée du Séder. Selon les maîtres de la Kabbala, ils véhiculent, chacun à leur façon, un message phare de la fête de Pessah. Penchons-nous sur les différents aliments mis à l’honneur le soir du Séder : – Le vin – La Matsa – Un plateau du Séder garni de : Karpass – Maror – Harosset – Os d’agneau – ‘hazereth – Œuf dur ou grillé – eau salée
Le vin occupe une place essentielle dans le judaïsme. Il est présent sur la table afin de marquer l’évènement, le moment où l’Eternel sanctifie ce temps qui est une invitation à vivre et partager un fragment particulier qui est appelé à nous constituer, à nous remémorer et à construire. Pour des événements de nature spirituelle, comme les mariages, les circoncisions, ainsi que le Chabbat et les jours de fêtes, le judaïsme associe une coupe de vin.
Pourquoi ? Le vin est produit à partir de la substance qui se trouve dans le raisin. Il provient d’un lieu caché et illustre l’élément caché qui doit être révélé. De même, dans ce monde matériel, la spiritualité est cachée et c’est à l’être humain qu’il incombe de la révéler au grand jour. C’est pour cette raison que la valeur numérique du terme hébraïque désignant le vin, yayin, est la même que la valeur numérique du terme hébraïque désignant le secret, sod, soit 70. Le vin illustre la composante secrète du matériel, à savoir le spirituel. De ce fait, pour tout moment ou événement spirituel, le judaïsme associe le vin afin de révéler le potentiel spirituel inhérent à cet événement. Comme le Talmud l’affirme : «nikhnass yayin, yatsa sod » «Lorsque le vin entre, le secret sort.» On boit 4 verres à des moments particuliers – Durant le Seder, nous buvons 4 verres de vin – correspondant aux 4 expressions utilisées pour décrire notre liberté dans la Torah (Exode 6:6-7). Pour exprimer notre sentiment de liberté, nous nous adossons en arrière, accoudés sur le côté gauche, pour boire nos quatre Verres. L’un des thèmes les plus développés à l’occasion de Pessa’h est la mise en relation des 4 coupes de vin bues lors de la soirée pascale avec les 4 expressions de la délivrance mentionnées dans Exode, 11 : « Je vous ferai sortir…Je vous sauverai…Je vous délivrerai…Je vous prendrai comme peuple… ». Elles correspondent aux 4 expressions de “délivrance” employées par la Torah en terre de Mitsrayim, écrit pour la première fois par Rav ‘Azaria Figo (1579-1647) dans Bina le-Itim : « nos ancêtres ont subi quatre sortes de souffrances : 1. La pauvreté : Les Egyptiens ont volé nos richesses, comme l’atteste Chemot l,11 : ” Ils (les Egyptiens) placèrent sur lui des dirigeants de corvées afin de l’opprimer de leurs fardeaux, ils (les Hébreux) construisirent silos pour Pharaon.” Les impôts ont totalement drainé l’argent et les biens des enfants d’Israël. L’Egypte, qui était un pays très riche, n’avait pas besoin de ce revenu fiscal. Elle n’a procédé à ces prélèvements que pour opprimer et humilier nos ancêtres. Ayant aussi des travaux pénibles à effectuer, elle a assujetti les Hébreux en les leur imposant. Selon la Torah, l’argent procuré au fisc égyptien par ces impôts a suffi pour construire deux villes d’approvisionnement pour Pharaon – Pithom et Ra’amsés. Les Hébreux ont fourni non seulement les ressources financières, mais aussi le travail d’esclaves à bon marché.
2. Les violences physiques : Les Egyptiens ont brutalisé les Hébreux – en les torturant et en les asservissant – et ils les ont astreints à un travail extrêmement pénible, dans le dessein d’affaiblir et de briser leurs corps.
3. Les insultes et l’avilissement : Ils ont dénigré nos ancêtres, ils ont foulé leur honneur aux pieds, en ont fait des esclaves, les réduisant à l’état le plus dégradant qui soit.
4. La ruine spirituelle : Ils ont causé chez les enfants d’Israël un grand déclin spirituel à travers les pratiques idolâtres, et un grand nombre d’entre eux se sont mis à adorer les idoles. Un Midrach raconte, quand les Hébreux se sont trouvés devant la mer des Joncs (appelé aussi la Mer Rouge), les anges se sont plaints auprès du Saint béni soit-Il : “Pourquoi la mer devrait-elle se fendre pour eux ? Ils (les Egyptiens) adorent des idoles et eux aussi adorent des idoles ! ” Quand Dieu a ordonné à Moché de faire sortir d’Égypte les enfants d’Israël, Il a utilisé 4 expressions différentes de “libération”, correspondant à ces quatre malheurs qui les ont affligés. Il l’a chargé d’annoncer à la nation, en Son nom (Exode 6, 6-7) : “C’est pourquoi dis aux enfants d’Israël : Je (suis) Dieu! Je vous ferai sortir (vehotséti) de dessous les fardeaux de l’Égypte, Je vous délivrerai (vehitsalti) de leur servitude, Je vous sauverai (vegaalti) avec un bras étendu et avec de grands jugements. Je vous prendrai (velaqa`hti) pour Moi comme peuple, Je serai votre Dieu.”
Dieu a voulu sauver Son peuple sous tous ces aspects : Vehotséti – Je vous ferai sortir de dessous les fardeaux de l’Égypte – et vous soulagerai de la pauvreté. Vehitsalti – Je vous délivrerai de leur servitude – et des violences physiques. Vegaalti – Je vous sauverai – et vous affranchirai des insultes et de l’avilissement. Velaqa`hti – Je vous prendrai pour Moi comme peuple – et vous ferai renaître spirituellement.
Le karpass Le terme karpass a un double sens. Le sens biblique de karpass est celui d’un tissu légèrement coloré. Néanmoins, à la table du Séder, nous nous sommes habitués à l’autre sens du terme karpass : un légume vert. On utilise généralement le persil, le céleri, la pomme de terre, que l’on trempe dans de l’eau salée en souvenir des larmes versées par nos ancêtres, esclaves en Egypte. Alors, quel est le lien qui a été trouvé entre le karpass-tissu et le karpass-légume ? Et que vient faire le légume du karpass à la table du Séder ? C’est Rachi qui éclaircit le lien en expliquant que le manteau spécial de Joseph était composé de karpass, ce tissu légèrement coloré. (le nom biblique étant koutonet passim). Rappelons que le manteau de Joseph fut à l’origine de la descente ultime du peuple juif en Égypte. Lorsque Jacob offrit à Joseph ce manteau bien particulier, les frères de Joseph en furent jaloux. De là, les frères vendirent Joseph à des hommes, qui à leur tour le vendirent comme esclave en Égypte. D’où sa présence à la table du Séder.
L’eau salée Le sel est unique en son genre : en soi, il est amer, mais saupoudré sur d’autres aliments, il relève leur goût et les rend plus appréciables. Cette dualité se retrouve dans l’essence de la souffrance. En effet, il existe deux approches face à la souffrance :
La première considère la souffrance comme une épreuve dépourvue de toute finalité. Reposant sur une conception étriquée de la vie, elle se concentre exclusivement sur l’élément perturbant, en occultant sa contribution à une perspective plus large des choses. Il n’y a pas d’avenir, pas de pont vers le futur !!!!Ce qui la rend forcément amère.
À l’inverse, la seconde approche considère la souffrance comme une épreuve dotée d’une finalité certaine. Fondée sur la certitude que tout vient de l’Eternel et que tout ce qui arrive dans le monde est pour le bien, elle appréhende l’épreuve comme la pièce d’un puzzle cosmique servant ultimement l’intérêt de l’homme. Vu sous cet angle, la souffrance s’en retrouve relativisée (certains disent « adoucie).
Les rabbis remarquent que la réaction naturelle d’une personne en proie à la souffrance est de fermer les yeux. Ils expliquent que cela est dû au fait que les yeux, ces organes physiques, sont incapables d’appréhender la finalité spirituelle de la souffrance. C’est donc en fermant les yeux, en prenant du recul face à la face « visible » du monde, que l’homme peut tourner ses esprits sur la finalité de l’épreuve.
Pendant le Séder, nous trempons le karpass dans l’eau salée afin de symboliser le concept de la souffrance dotée d’une finalité ; nous considérons toute souffrance dans la vie comme un moyen de nous améliorer plutôt qu’une torture dénuée de sens. (c’est pour symboliser les larmes versées par le peuple hébreu lorsqu’il était esclave sous le règne égyptien.) Cette dualité du sel se retrouve dans la Mer morte. En raison de son fort taux de concentration en sel, la Mer morte ne contient aucune espèce vivante, mais elle possède tout de même des facultés étonnantes de guérison. En soi, la Mer morte est « amère », mais lorsque l’on se trempe dans la Mer morte, il est «adouci.»
Zro’a On prendra un os d’agneau en souvenir du “bras étendu”(zeroa netouya) avec lequel D’ nous délivra d’Egypte. Cet os grillé symbolisera le qorban Pessa’h (le sacrifice de Pessa’h). On ne mangera pas cet os au séder, de même qu’il nous est défendu de consommer ce soir-là toute viande grillée. ( certains en mangent le lendemain). Cet os d‘agneau (comme le sacrifice demandé aux Hébreux 4 jours avant leur libération, selon le texte de l’Exode 12:3). Bien que les sacrifices ne puissent plus être réalisés depuis la destruction du second Temple de Jérusalem, un os grillé d’agneau est présent sur la table du Seder ; il n’est pas consommé pendant le Séder. C’est plutôt devenu un rappel du sacrifice de l’agneau pascal que l’on apportait à l’époque du Temple. Le message sous-jacent de cette offrande peut se déduire de ses lois : L’agneau pascal devait être âgé d’un an, il ne devait pas posséder d’os cassé et on devait le manger en entier dans une maison. Ces caractéristiques représentent le thème de l’unité et de l’harmonie. Et les certains rabbis d’expliquer également que l’agneau pascal est une expression de l’unité entre Dieu et le peuple juif. En outre, l’offrande était spécifiquement un agneau, car, d’après les rabbis, le corps entier d’un agneau ressent la douleur de chaque membre – une allusion au destin partagé de chaque Juif.
La matsa On se réfère à la matsa à la fois comme le pain de la liberté et le pain de misère. Quel lien peut-il exister entre ces deux notions ? Rappelons-nous qu’un pauvre est souvent seul et dénué de tout. Néanmoins, dans un sens, cette image de pauvreté contient un certain degré de liberté : s’il ne possède rien, il n’a donc aucun bien qui le retient. De même, nos Sages nous enseignent : «Accumuler des biens, c’est accumuler des soucis.» Ou pour reprendre un proverbe populaire : «Plus on a d’argent, plus on a de problèmes.» Pour aller plus loin, la liberté la plus profonde à laquelle l’être peut accéder se trouve en lui-même : c’est la liberté par rapport à ses propres instincts, ses inclinations, sa nature et son éducation, lui permettant ainsi d’être réellement capable d’opérer un choix libre. C’est là l’essence de la matsa : un aliment composé exclusivement de farine et d’eau, sans aucune adjonction ni association. De surcroît, le Zohar désigne la matsa comme «l’aliment de la emouna.» En effet, contrairement au ‘hamets qui fermente par lui-même, la matsa n’opère aucun changement en elle-même, tant que la cuisson n’a pas dépassé 18 minutes. Tout est mis en œuvre par celui qui la confectionne. Elle sort du four identique au moment où elle y est entrée. Le message de la matsa est que le monde naturel ne tourne pas de lui-même. Au contraire, il est totalement dirigé par Son Créateur. C’est également le message des miracles survenus lors de la Délivrance juive de l’Égypte. Les Égyptiens crurent par erreur que le monde fonctionnait au gré des constellations et qu’aucune puissance supérieure ne tirait les ficelles. On relèvera avec intérêt que c’est la civilisation égyptienne qui inventa le pain levé, le pain qui «monte par lui-même.»
Maror – les herbes amères Nul n’ignore que le sens du maror est de nous aider à nous identifier à l’amertume de l’esclavage égyptien. Mais reste à savoir pourquoi les Juifs se trouvent-ils si souvent asservis et constamment ballotés ? La tradition mystique nous enseigne que chaque nation dispose d’un ange, ou d’un génie (mala’h) qui lui est préposé, un «émissaire» divin, à l’exception du peuple d’Israël, chez qui Dieu est «directement» au-dessus de lui. Lorsque le peuple juif s’attache à Dieu, il n’est absolument pas possible qu’une autre nation impose sa volonté ou son règne sur celui-ci. Mais si le peuple juif délaisse l’Eternel, ou reste dispersé sur la surface des « démocraties » en prenant l’identité du pays « d’accueil, , en cas de coup dur ou extrême, il reste sans défense et tombe immanquablement sous l’âpre domination d’une autre nation.
Le ‘harosset est le seul élément du plateau du Séder qui ne soit pas une matière première mais la combinaison de plusieurs ingrédients, fabriqué par chaque famille selon ses traditions. Seul élément doux du plateau, il est souvent composé des fruits provenant des sept espèces auxquelles le pays d’Israël est comparé dans la Bible. On peut y mettre de la pomme : en souvenir des femmes juives qui accouchaient sous le pommier, comme le rapporte le Cantique des Cantiques. Certaines dames font le Harosset avec des épices qui symbolisent la paille utilisée pour composer le mortier (comme la cannelle en bâton). De plus, dans certaines communautés, le Harosset est un peu délayé dans du vin ou du jus de raisin afin que la pâte en soit moins compacte. Selon un Midrach, ce liquide, rouge, est ajouté en souvenir de la plaie de sang qui fut la première des dix plaies qui frappa le pays de Mitsrayim et est aussi le rappel du sang des milliers d’enfants hébreux que le Pharaon fit égorger et noyer. Les Sages nous livrent trois raisons de consommer du ‘harosset:
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En raison de sa consistance terreuse, le ‘harosset rappelle le mortier que les Hébreux devaient travailler lorsqu’ils étaient occupés aux travaux de construction en Égypte.
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En Égypte, selon le Midrach, les femmes, qui croyaient à une délivrance imminente, séduisaient leurs maris, épuisés et frustrés par leur rude labeur, pour continuer à avoir des enfants et à perpétuer le peuple. Dans la Kabbale, le fruit de la Tapoua’h (traduit généralement comme la pomme) est une référence à la féminité. De ce fait, le ‘harosset composé de fruits rappelle la vertu des femmes qui encouragèrent leurs époux.
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Le ‘harosset nous rappelle le sang : soit le sang des Hébreux versé en Égypte, soit la première des Dix Plaies lors de laquelle l’eau du Nil, des Égyptiens fut transformée en sang. À partir de ces différents sens du ‘harosset, il s’avère qu’il a une connotation à la fois amère et douce. C’est peut-être la raison pour laquelle le ‘harosset doux est consommé avec le maror amer ; d’un côté, le ‘harosset est un rappel d’événements amers, et d’un autre côté, il adoucit le maror amer.
’Hazéreth C’est en fait de la laitue tout comme le maror. Certaines illustrations du plat du séder indiquent en effet maror une seconde fois, à la place de ’hazéreth. De nos jours on nomme – à tort – ’hazéreth le raifort. Cette méprise est due à l’ancienne coutume d’ajouter du raifort à la laitue mangée avec la matsa, pour la rendre un peu plus amère.
L’œuf À l’époque du Temple, le peuple apportait une offrande festive appelée ‘haguiga. De nos jours, où le peuple juif se trouve dans un exil spirituel continu, nous plaçons au lieu de cela un œuf sur le plateau du Séder. L’œuf est associé au deuil, car en raison de sa forme ronde, il symbolise en effet le cycle de la vie. Il inspire des sentiments de peine et de réconfort, sachant que nous sommes actuellement sans le Temple et dans l’incapacité d’offrir cette offrande, mais nous espérons et prions pour nous trouver « l’an prochain, dans la Jérusalem reconstruite ! » Dans certaines communautés achkenazes, en premier élément de repas, on le mange en signe de deuil, en souvenir de la destruction du Temple, comme il est dit : “je placerai Yerouchalayim au-dessus de mes plus grandes joies”.
Nous mettons du sel en souvenir des larmes que les hébreux versèrent, de la ‘harosset en souvenir du mortier utilisé pour les pénibles tâches de construction et des herbes amères afin d’expérimenter l’amertume que connurent nos ancêtres. Et même la matsa, appelée pain de la liberté, est aussi appelée le pain de l’affliction, la pitance des esclaves. La Haggadah, qui est une histoire de la délivrance, contient de longs passages et de nombreux détails de la servitude et de la souffrance en Egypte. Est-ce une manière de célébrer notre rédemption? En fait, le seder force à se poser la question qui est l’énigme de la célébration pascale: nous célébrons le fait que l’Eternel nous ait sortis d’Egypte, mais c’est bel et bien Lui qui nous y avait mis? Le rôle des plaies était de rappeler aux juifs de tous les temps, mais aussi aux égyptiens, que Dieu a un pouvoir absolu sur la nature et qu’Il la contrôle minutieusement. Il aurait pu stopper l’immense souffrance des hébreux bien avant.
Pourquoi la souffrance? Cette question que le peuple juif se pose avec entêtement depuis l’époque de Moïse, plane sur le seder comme une mystérieuse présence. Clairement, le seder traite de la connexion entre la souffrance et la délivrance. Il avance l’argument retentissant que la délivrance est le résultat de la souffrance. Cette dernière nous débarrasse de la superficialité et du superflu et nous amène à la vérité. Elle dévoile chez ceux qui souffrent des niveaux de don de soi et de transcendance qu’ils n’imaginaient pas posséder. Evidemment, l’être humain a le libre arbitre, on peut choisir de réagir à la souffrance avec amertume et ressentiment. Mais pour celui qui réagit différemment, il peut atteindre la véritable grandeur. Les sages surnomment les années de torture en Egypte: « kour habarzel » le creuset de fer. Le creuset est l’instrument que les orfèvres utilisent pour raffiner l’argent. Il y a quelques années, des femmes étudiant le livre biblique de Malachie, furent frappées d’étonnement par le verset suivant: “Dieu s’assiéra comme un raffineur et un épurateur d’argent et Il épurera (le peuple d’Israël)” (Malachie 3:3). Curieuse de savoir en quoi le fait de faire fondre de l’argent s’appliquait au traitement de Dieu envers le peuple d’Israël, une des femmes partit regarder un orfèvre au travail. Pendant qu’il passait une pièce d’argent au feu, l’artisan lui expliqua qu’il était obligé de la placer à l’endroit le plus chaud de la flamme afin d’enlever toutes les impuretés. La femme, en référence au verset, lui demanda s’il avait besoin de s’asseoir pendant le processus d’épuration. Il répondit que non seulement il devait rester assis pendant tout le processus mais aussi qu’il devait garder un œil vigilant sur la pièce, car si l’argent restait un moment de trop dans la flamme, il serait détruit. “Comment savez-vous quand l’argent est entièrement raffiné?” demanda la femme. “C’est facile, c’est lorsque j’y vois mon visage apparaître” répondit-il. La métaphore du prophète Malachie est claire : l’Eternel maintient le peuple d’Israël dans la partie la plus forte du feu (des souffrances) afin de le purifier complètement; toutefoisl’Eternel reste avec Israël pendant tout ce processus et ne le lâche jamais du regard, de même il ne le laissera pas être détruit. Comment savoir que la purification sera complète ? seulement lorsque l’Eternel pourra voir Son image en nous.
Lors de la sortie de Mitsrayim, pour certains, c’est seulement lorsqu’ils regardèrent en arrière, qu’ils purent comprendre que leurs peines faisaient partie d’un processus de purification et de rédemption qui finalement en valait la peine. Alors, assis à notre table du séder cette année, en famille, avec des amis, peut-être même des voisins, c’est avec une perspective de plus de 3000 ans qui nous séparent de l’Exode, que nous célébrerons la nation d’Israël, née des souffrances dans la matrice que représente l’Egypte. Mesurons la grandeur des miracles de la délivrance du passé, et de toutes ces délivrances antérieures..
Le dernier Pessah, nous n’aveons peut – être pas tous encore commencer à pratiquer le sédère, cet ordre et cette stratégie magnifique qui nous apprend à rompre les chaînes. Nous n’avons pas tous allumé les bougies de la fête de Pessah avec ses bénédictions ? Où peut – être pas dit de kidouch ? Avons-nous lu, certains d’entre-nous un peu en phonétique les textes consacrés ? Peut – être pas pris le temps de comprendre de quoi il en retourne ? Sachons ce soir, qu’une mitsva, qu’un précepte nous attend lors du sédère. Potentiellement cherchons à la réaliser, cette mitsva du souvenir, du partage et de la transmisson, avec tous nos moyens : émotion, raison et action. Ainsi, cette année, nous aurons défié Pharaon, et nous aurons ajouté une lueur au monde qui en a tant besoin. Et cette lumière que nous aurons allumée sera là immense et irradiante, Car c’est le fruit de notre sortie d’Égypte.
Je vous souhaite, ainsi que ma famille, une joyeuse et profonde fête de ¨Pessah
Rabbi Michel Liebermann